Une très bonne idée pour lutter contre les vétos !
Publié le 15 Octobre 2015
"Une inversion de la charge de la preuve" : ce qui a été adopté, dans le domaine juridique, en partiulier en droit social en France, a été plus ou moins repris au sein de l'ONU. On parle ainsi d'inversion du mode d'intervention en matière de véto, et c'est très finement et très bien joué !
Le concept est très simple : au lieu qu'un pays puisse s'opposer à des sanctions en mettant son véto, il faut qu'il y ait unanimité de la levée des sanctions pour qu'elle soit de mise !
Ainsi, si un pays juge, en motivant son opinion bien entendu, que les sanctions doivent être rétablies, elles le seront de fait.
C'est une très grande avancée et une très bonne chose pour éviter que certains pays puissent engager des actions à acquérir l'arme nucléaire sous couvert de recherches civiles.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 16 Juillet 2015
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Et les diplomates inventèrent l'arme absolue contre le veto...
Le très subtil " snap back " inséré dans le mécanisme de l'accord du 14 juillet permet le rétablissement automatique des sanctions
Ceux qui ont une impression de déjà-vu en matière de vérification d'accord antiprolifération – et se souviennent du Suédois Hans Blix, le chef des inspecteurs de l'ONU en Irak, et de ses comptes d'apothicaires devant le Conseil de sécurité en 2002 – seront peut-être réconfortés par une innovation diplomatique contenue dans le compromis de Vienne sur le programme nucléaire iranien : le " snap back " (littéralement " refermer brusquement "). Ou comment contourner la paralysie qui s'empare de l'ONU dès qu'un pays membre du club des cinq permanents du Conseil – la Russie pour ne citer personne – décide de mettre son veto pour protéger un pays ami, client ou tout simplement pour nuire aux intérêts de ses rivaux.
Dans l'entretien publié le 14 juillet dans Le Monde, Laurent Fabius décrit le snap back comme un mécanisme de rétablissement automatique des sanctions en cas de violation par les Iraniens de leurs obligations. Un dispositif susceptible de rassurer tous ceux qui n'ont qu'une confiance modérée dans la sincérité de Téhéran et la capacité des Occidentaux à revenir à une position de fermeté comparable à celle de 2010, alors que le climat s'est considérablement dégradé entre Washington et Moscou.
" Créativité "
Selon l'accord, le snap back interviendra dans le cas de figure où l'un des six Etats signataires de l'accord avec l'Iran (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne) constate une violation et que Téhéran " ne fournit pas d'explication crédible ", explique le ministre des affaires étrangères. L'Etat mécontent pourra alors provoquer un vote du Conseil de sécurité de l'ONU. Innovation : le vote ne portera pas sur la réintroduction des sanctions mais sur la reconduction de la levée. L'Etat en question pourra alors opposer son veto. " Il obtiendra alors à coup sûr le rétablissement des sanctions ", souligne M. Fabius.
Au lieu du veto négatif, qui empêche la condamnation, le snap back crée donc une sorte de veto proactif, qui rétablit automatiquement les sanctions. " Je vous concède que c'est subtil, mais c'est à ce prix qu'on réalise des compromis efficaces sur des sujets aussi complexes ", ajoute le chef de la diplomatie française. La Russie ne pourra pas bloquer le processus : si les Occidentaux estiment que l'Iran triche, les sanctions seront automatiquement réinstallées.
Un processus qui pourrait se révéler compliqué, néanmoins, compte tenu des échanges économiques qui auront repris. L'accord prévoit d'ailleurs que le -retour aux sanctions ne sera pas rétroactif. Le fonctionnement du snap back est détaillé dans le Joint Comprenhensive Plan of Action, signé à Vienne. Celui-ci prévoit la création d'une commission conjointe de résolution des conflits, composée de huit membres : les cinq membres permanents du Conseil, l'Allemagne, l'Union européenne et l'Iran. Le droit de veto ne s'y applique pas.
Si une majorité de cinq membres tombe d'accord pour estimer que l'Iran ne joue pas le jeu, la question est renvoyée au Conseil de sécurité. " Sur réception de la notification du participant plaignant, incluant une description des efforts effectués de bonne foi pour résoudre le différend, le Conseil de sécurité des Nations unies, en accord avec ses procédures, votera sur une résolution aux fins de maintenir la levée des sanctions. Si la résolution n'a pas été adoptée dans les trente jours suivant la notification, les dispositions des anciennes résolutions du Conseil seront remises en vigueur, à moins que le Conseil n'émette une décision contraire. "
Dans un article publié par UN Dispatch, site spécialisé dans la couverture de l'ONU, Mark Leon Goldberg, le rédacteur en chef, se félicite de la " créativité " des diplomates. Selon lui, le snap back est " l'élément le plus brillant de l'accord iranien ". Privé du soutien inconditionnel d'un des membres du Conseil, analyse-t-il, l'Iran sera " très fortement incitée à respecter l'accord ".
Le Conseil de sécurité va examiner l'accord dans les prochains jours, et devra entériner le snap back. Selon M. Fabius, " la France a beaucoup œuvré pour proposer et faire adopter " ce dispositif. Gérard Araud, l'ambassadeur à Washington, ancien négociateur français dans les premiers pourparlers avec l'Iran et représentant de la France à l'ONU jusqu'à l'été 2014, l'avait évoqué le 28 mai devant le cercle de réflexion Atlantic Council à Washington, en ne faisant pas mystère que l'objectif était d'empêcher les Russes et les Chinois d'empêcher l'éventuel retour aux sanctions en faisant usage de leur veto. La délégation française l'a proposé à la session de négociations de Lausanne.
A l'occasion du 14 juillet, l'ambassadeur s'est permis un léger cocorico sur son fil Twitter. Le snap back est " une idée française ", a-t-il révélé.
Corine Lesnes