Très franchement, je ne vais pas pleurer sur leur sort !

Publié le 9 Février 2016

Très franchement, je ne vais pas pleurer sur leur sort !

La priorité d'une démocratie dont notre pays est un noble représentant, est de se soucier de l'intégrité physique de son peuple. Cette intégrité physique a été lourdement mise à mal pendant des années par les drames routiers, ses morts et ses lourdement handicapés comme Vincent Humbert en est le plus célèbre représentant.

La seule mesure qui a été capable de faire baisser lourdement le nombre de blessés et de morts sur la route a été l'implantation de radars automatiques.

Pendant des années, des avocats ont défendu les chauffards, tarifant leur intervention plusieurs milliers d'euros.

Aujourd'hui, la roue tourne, et, très clairement, je ne vais pas pleurer sur le sort de ces parasites de la société qui défendent des comportements allant à l'encontre de l'intégrité et de la vie humaine !

Qu'un automobiliste, qui n'a pas commis d'infraction, puisse être défendu, d'accord. Qu'un automobiliste, qui a commis une infraction grave, se voit blanchi sur une erreur de procédure par un avocat qui en a profité pour se mettre de l'argent plein les poches, là, je ne suis pas d'accord.

Les avocats qui défendent des individus au comportement meurtrier soient à la peine ? Tant mieux !

Mais la justice a aussi sa part de responsabilité : quand on la prend pour une imbécile en mettant la carte grise au nom d'un gosse ou d'une grand-mère, elle devrait engager des procédures en escroquerie. Non seulement, elle ne le fait pas, mais elle se laisse faire : ce qui démontre bien que bon nombre de nos juges sont des tocards finis !

Quant à l'avocat qui se prend pour un chirurgien, on se fout honteusement de la gueule du monde ! Le chirurgien sauve des vies, l'avocat absout des connards qui pourront recommencer leurs méfaits en prenant le risque d'en enlever sur la route : il y a quand même une différence !

Un article du journal 'Le Monde' daté du 2 Octobre 2015

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Des avocats à la peine
Pendant dix ans, ils ont régné sur la défense de l'automobiliste sans permis, du chauffard ayant perdu ses points. Aujourd'hui, rien ne va plus, le marché stagne, la concurrence est féroce. Ascension et chute des pionniers du droit de la route
Un avocat en dépôt de bilan, obligé de demander au juge la mise en redressement judiciaire de son propre cabinet. Le cas est exceptionnel. A Paris, seuls 22 sur 25 000 se sont retrouvés dans cette situation peu glorieuse en 2014. C'est pourtant ce qui est arrivé cet été à Sébastien Dufour, un des ténors parisiens les plus en vue en matière de droit routier. Sale publicité pour cet avocat de 38 ans, qui, comme ses concurrents, doit une partie de sa clientèle à ses interventions dans les médias. " Le cabinet gagne de l'argent, assure-t-il, mais mon chiffre d'affaires a presque été divisé par deux et j'ai besoin de temps pour retrouver le niveau antérieur. "

Ils étaient quatre. Les mousquetaires du permis de conduire. Quatre fondus de voiture qui s'étaient spécialisés dans la défense non de la veuve ou de l'orphelin, mais de l'automobiliste sans permis, du chauffard ayant perdu ses points. Pendant dix ans, ils ont roulé carrosse. Depuis quelques années, rien ne va plus. Leur marché stagne. La concurrence est devenue féroce. Eux-mêmes, qui posaient ensemble autour d'un radar il y a encore cinq ans pour Le Figaro, se déchirent désormais devant les tribunaux et se traitent en privé de tous les noms : " Voyou ! ", " feignasse ! ". Et voici maintenant que le plus fougueux d'entre eux s'avoue en cessation de paiement…

Ils ne perdent pas espoir pour autant. Après le bond de 14 % du nombre de morts sur les routes cet été, de nouvelles mesures sont attendues à l'issue du comité interministériel de la sécurité routière, prévu vendredi 2 octobre. Un tour de vis qui ne peut que leur apporter des clients, même s'ils pestent en public contre la " répression routière ". En outre, le comité ne devrait pas s'attaquer aux règles tatillonnes que doivent respecter les policiers ou les gendarmes lorsqu'ils rédigent leurs procès-verbaux. De quoi laisser aux avocats de belles marges de manœuvre pour repérer les vices de forme et faire annuler les PV. Et, qui sait, la concurrence pourrait se calmer. " On est peut-être au bout de la traversée du désert ", espère Frank Samson, l'un des quatre pionniers.

Marché alléchant
Tout avait si bien commencé. Eric de Caumont, le fils d'un député rocardien, est le premier à se lancer, dès les années 1980. Un fou de mécanique, lui aussi. Permis moto à 16 ans, première infraction trois semaines plus tard ! Son maître de stage, Henri Leclerc, repère vite sa passion. " Il m'a conseillé de me plonger dans les infractions routières plutôt que dans les crimes crapuleux ou les braquages. " En 1986, il ouvre son cabinet, alors le seul en France à se concentrer sur le droit routier, une spécialité qui n'est reconnue comme telle ni par la profession ni par l'université. Dès lors, il ne fait plus que cela. Avec succès, et une belle notoriété, acquise notamment grâce à l'émission de Julien Courbet " Sans aucun doute ", sur TF1, à laquelle il participe pendant dix ans. C'est lui que Gérard Depardieu viendra chercher, en 2012, lorsque la police suspendra son permis après l'avoir interpellé avec 1,8 gramme d'alcool par litre de sang, trois fois plus que la limite autorisée.

Ce succès suscite de nouvelles vocations. Coup sur coup, Sébastien Dufour, Jean-Baptiste Iosca, Frank Samson et quelques autres entrent dans la danse. C'est que le marché est alléchant. Avec le permis à points entré en vigueur en 1992 et la multiplication des radars automatiques, le nombre de PV s'envole : 5 millions dressés en 2001 hors stationnement, 18 millions en 2012. Autant de contentieux possibles.

Les avocats s'engouffrent dans toutes les brèches. Devant le tribunal administratif, en référé, ils affirment que leur client n'a pas reçu l'information préalable prévue par le code de la route. L'administration doit prouver le contraire, ce qui est souvent impossible. Autre astuce : pour la plupart, les photos prises par les radars montrent les conducteurs de dos et non de face. Cela permet aux plaideurs d'affirmer que leur client, méconnaissable, n'était pas au volant, et que quelqu'un d'autre conduisait. Naturellement, ils conseillent de ne pas dénoncer celui-ci, une question de morale. Imparable.

Plus retors encore, certains suggèrent de mettre la carte grise des véhicules au nom d'un enfant, d'une grand-mère ou d'un invalide, qui ne peuvent pas être poursuivis. Ou d'acheter une voiture en leasing à l'étranger, dans un pays où la loi interdit de communiquer le contrat. Jean-Baptiste Iosca se flatte ainsi d'avoir fait relaxer en appel un chef d'entreprise de l'Essonne dont la voiture avait commis 484 excès de vitesse entre 2006 et 2010. Il niait être le propriétaire du véhicule, loué au Luxembourg. Sur son site, où il vante comme ses rivaux ses faits d'armes, Me Iosca indique aussi avoir fait annuler, en 2009, une trentaine de PV établis sur la base du modèle Seres 679 " dont la date limite d'homologation était dépassée ". La vérification de l'homologation des radars ou des éthylomètres par un organisme certifié est d'ailleurs devenue un grand classique de la défense.

Pour tous, pas d'états d'âme. " J'ai fait remettre en circulation des conducteurs qui avaient un problème avec l'alcool, admet Eric de Caumont. Je n'en suis pas fier, mais j'ai fait mon job. " Jean-Baptiste Iosca est sur la même ligne : " Je suis comme un chirurgien. J'opère sans me demander si le mec est génial ou si c'est un voyou… "

Pour ces quelques " avocats permis de conduire ", comme ils s'appellent eux-mêmes, les années 2000 constituent une décennie rêvée. " On était trois ou quatre sur un marché en pleine explosion, résume Frank Samson. J'ai été un peu surpris par ce flot d'or sur ma tête. " Argent facile, belles voitures, sans oublier une notoriété qui flatte l'ego de ces personnalités sûres d'elles. Appelez Frank Samson, et vous jugerez. " Vous voulez parler à l'empereur ou à l'avocat ? ", répond l'intéressé, qui, hors des prétoires, officie comme sosie officiel de Napoléon. En juin, pour le bicentenaire, c'est lui qui l'a incarné lors de la gigantesque reconstitution de la bataille de Waterloo.

L'âge d'or prend fin à la fin des années 2000. Moins à cause de la crise que de l'apparition d'une nouvelle concurrence. Des avocats surgis de nulle part se proclament spécialistes du droit de la route. " Ils pillent notre travail, débauchent des collaborateurs, nous envoient de faux clients pour savoir quelle stratégie adopter, récupèrent nos conclusions dans nos poubelles et les copient ", s'emporte Sébastien Dufour. Certains achètent même sur Internet des mots-clés correspondant aux noms de leurs confrères, pour détourner leur clientèle, ce qui leur vaut d'être poursuivis devant les tribunaux.

Surtout, c'est l'époque où, dans la jungle d'Internet, apparaît une vingtaine de sites aux noms évocateurs tels que Retraitpermis.fr, Avocatspermis.com, Protegermonpermis.fr, ou Sauvermonpermis.com. Ils attirent le chaland en promettant monts et merveilles, notamment des délais impossibles à tenir. Derrière ces sites, des hommes d'affaires et des juristes qui mènent une bataille commerciale agressive interdite aux hommes de loi et sous-traitent le contentieux proprement dit à des avocats. Ces derniers peuvent ainsi récupérer jusqu'à plusieurs dizaines de milliers d'euros par mois. Sébastien Dufour a profité de ce système. Frank Samson aussi, en travaillant notamment pour les sites créés par son demi-frère, Hugo Lacasse, gérant du groupe Conseil et gestion.

" Braconniers du droit "
Mais, peu à peu, les avocats se rendent compte que ces sites sont pour eux de faux amis et de vrais rivaux. Le premier à les critiquer est Sébastien Dufour : " Mon standard explosait sous les protestations de clients que m'avait adressés le site et qui estimaient avoir été trompés sur les délais de procédure ", rapporte-t-il. Il cesse toute collaboration avec SOS-Points, créé par Gilles Sagne, en octobre 2009. Son confrère Frank Samson fait de même un an plus tard, après un arrêt de la Cour de cassation qui, dans une affaire similaire, a remis en cause l'intervention d'un intermédiaire entre un avocat et un justiciable.

Considérant désormais que ces sites lui font une concurrence déloyale, Sébastien Dufour les attaque alors tous en justice.

Avec l'appui initial des autres mousquetaires, il lance des dizaines de procédures. Au départ, il perd tous ses procès, suscitant les moqueries des confrères qui lui ont succédé. Un jour, l'un d'eux, Michel Benezra, qu'il suspecte qui plus est de plagiat, le croise dans un palais de justice et prétend lui serrer la main. Sébastien Dufour lui envoie une gifle. " Normalement, ça aurait dû barder au conseil de discipline de l'ordre ", reconnaît l'agresseur. Mais, " au vu du contexte, je n'ai reçu qu'un avertissement ". A partir de 2012, d'ailleurs, l'ordre des avocats de Paris lui emboîte le pas, se constituant souvent partie civile dans les procès qu'il intente contre tous ces sites, considérés comme des " braconniers du droit ". Et, aujourd'hui, ces sites ont presque tous fermé.

Mais, entre-temps, cette guerre du droit a causé beaucoup de tort. D'autant que, au même moment, le nombre de PV a commencé à plafonner et que le Conseil d'Etat a durci sa jurisprudence : il est devenu plus dur de récupérer des points. " Maintenant, il faut être un virtuose comme moi pour déceler les erreurs ", s'exclame Frank Samson, le Napoléon du permis. En outre, depuis 2013, il n'est plus possible, en matière d'infractions routières, de faire appel des décisions des tribunaux administratifs devant les cours administratives d'appel. Les justiciables doivent aller directement devant le Conseil d'Etat. Donc se passer des avocats du droit routier, au profit de défenseurs attachés à cette juridiction…

Au total, " mes revenus ont été divisés par quatre par rapport à la grande époque ", constate Frank Samson. Quant à Eric de Caumont, décidé à surnager face à la concurrence, il s'est mis, lui qui ne sait pas allumer un ordinateur, à acheter des mots-clés pour être bien référencé par Google. Jusqu'à 10 euros le clic pour des mots très demandés comme " permis à points " ou " excès de vitesse ". D'autres comptent sur le référencement naturel, comme Jean-Baptiste Iosca. L'avocat qui a défendu Marine Le Pen assure travailler " douze à quatorze heures par jour " pour " construire de la jurisprudence ". Chacun soigne son site comme il le peut – Me Benezra propose par exemple " une défense féminine pour les infractions d'homme (alcoolémie ou stupéfiants) ".

Sébastien Dufour, lui, a souffert plus que d'autres. Au durcissement du marché s'est ajouté un conflit fratricide avec Jean-Baptiste Iosca. " Si mon cabinet est en redressement, c'est surtout parce que mon ex-associé a détourné une partie de ma clientèle en me quittant ", en septembre 2013, accuse-t-il. Devant le conseil de discipline de l'ordre des avocats de Paris, Me Dufour a néanmoins subi des revers, de même que Me Samson, autre ex-associé de Me Iosca, qui se dit victime du même comportement. Quatorze accusations de détournement viennent de se solder par des relaxes pour celui-ci. Sébastien Dufour ne désarme pas pour autant. Le " Dallas " des avocats anti-PV réserve encore des rebondissements.

Denis Cosnard, Rafaële Rivais

Rédigé par Philippe NOVIANT

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