On ne peut pas se faire justice soi-même !
Publié le 31 Mai 2016
Il faut en revenir aux fondamentaux dans cette affaire, ce, sans céder aux émotions et sentiments.
- Quand un salarié travaille, il est payé. Il se déplace pour travailler et être au service de son patron. En échange de quoi, il reçoit donc un salaire en fin de mois.
- C'est le patron qui décide, dans les limites imposées par le Code du travail, de la bonne marche de son entreprise. C'est lui qui décide de l'orientation de son entreprise et lui qui décide des personnes qu'il recrute et pourquoi il les recrute.
- Le patron a pour devoir de gérer correctement son entreprise et ne pas se servir dans la caisse. Il engage des licenciements s'il juge qu'il y a trop de salariés dans son entreprise. Il le fait dans les limites que lui impose le Code du travail.
Ces bases posées, qu'est-ce qui justifie la séquestrations de personnes, séquestration qui est punie pénalement ?
Rien, car, en France, on ne se fait pas justice soi-même et un syndicaliste, pas plus qu'un patron, n'est au-dessus des lois.
Si Goodyear a mal agi, c'est à la justice de le dire, et à personne d'autre ! La séquestration de personnels, quoique compréhensible, n'est absolument pas tolérable...
Séquestrer des personnes pendant 30h, c'est grave, très grave et 9 mois ferme pour cela, ce n'est pas absurde. C'est une peine qui est à la hauteur du préjudice.
C'est une décision juste car personne ne peut se rendre justice soi-même à partir du moment où la justice n'a pas été saisie auparavant et n'a pas fait un déni de justice.
Je le dis et le répète, personne n'est au-dessus des lois et il aurait été par contre injurieux que des syndicalistes puissent se permettre de séquestrer des gens sans qu'ils en soient punis. Ce n'est pas parce que l'on est syndicaliste que l'on peut se permettre d'outrepasser la loi.
La justice a dit cela aujourd'hui, et rien d'autre. En cela, la décision de ce tribunal est juste.
Fermez le ban.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 14 Janvier 2016
******************
Goodyear : de la prison ferme pour des syndicalistes
Huit ex-salariés de l'usine d'Amiens ont été condamnés pour avoir séquestré deux cadres
La décision a fait l'effet d'un coup de tonnerre dans le monde syndical. Huit anciens salariés de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord, dont cinq élus CGT, ont été condamnés, mardi 12 janvier, à une peine de deux ans de prison dont neuf mois ferme par le tribunal correctionnel d'Amiens, pour la séquestration de deux directeurs du site les 6 et 7 janvier 2014, -durant trente heures. Deux d'entre eux ont également été condamnés pour violence en réunion, sans peine supplémentaire.
Parmi les cinq élus syndicaux -figure l'ancien leader de la CGT de l'usine, Mickaël Wamen, qui avait participé à la forte médiatisation du conflit social. Le parquet d'Amiens avait requis lors de l'audience du 24 novembre deux ans d'emprisonnement contre chacun des prévenus, dont un an de sursis. " C'est la première fois que des peines de prison ferme sont prononcées contre des syndicalistes ", souligne Fiodor Rilov, l'avocat des ex-salariés et de la CGT, qui se dit " consterné " par la décision du tribunal.
" Emotion fraternelle "
A la barre, tous les prévenus avaient évoqué " un coup de colère " face à une direction qui " n'apportait aucune réponse " à la " détresse sociale " dans laquelle se trouvaient les salariés du site, engagés dans un combat socio-juridique depuis sept ans contre la fermeture de l'usine. Selon M. Rilov, " aucun des huit condamnés n'a participé à la séquestration. Le parquet n'a aucune preuve tangible ".
Lors de ces événements, plusieurs dizaines de salariés occupaient une salle de réunion où les cadres dirigeants de l'usine avaient décidé d'annoncer la réponse du groupe Goodyear à la demande d'une renégociation du plan social. Ils s'attendaient à un refus. " Quand je suis arrivé dans la salle, j'ai trouvé les salariés déjà très en colère et j'ai essayé de faire en sorte qu'il n'y ait aucune atteinte physique envers les directeurs, -raconte M. Wamen. Aujourd'hui, je paie pour tous. Je regrette de ne pas avoir quitté la salle. " " C'est du fait de leur statut syndical qu'on a imputé tous les événements aux huit prévenus ", estime M. Rilov.
Ce jugement, dont la copie n'était pas encore disponible mercredi matin, est inédit. Aucune peine de prison ferme n'avait jamais été prononcée dans des cas similaires. En outre, les plaintes de Goodyear Dunlop Tires France, ainsi que celles des personnes séquestrées, Bernard Glesser, directeur des ressources humaines, et Michel Dheilly, directeur de production, avaient été retirées avant l'audience, dans le cadre d'un accord de fin de conflit signé le 21 janvier 2014, qui ouvrait la voie à la fermeture du site.
Que le parquet, qui dépend hiérarchiquement du garde des sceaux, poursuive néanmoins l'affaire, montre que ces condamnations relèvent d'une " décision politique, estime M. Wamen. Elles permettent au gouvernement dit socialiste de faire comprendre aux salariés qu'ils doivent se taire face aux reculs sociaux "." Désormais, dans toutes les luttes sociales, il y aura en toile de fond le jugement d'Amiens ", abonde M. Rilov.
" Le tribunal a voulu marquer un coup d'arrêt à la pratique de la séquestration dans les relations sociales, soulignant que la violence au travail n'a plus sa place ", nuance Sylvain Niel, avocat de droit social au cabinet Fidal. Dans son réquisitoire, le parquet avait indiqué " ne pas tolérer, dans un Etat de droit, même dans un tel contexte social difficile " que les salariés" se rendent justice eux-mêmes ". " C'est un message fort et dans le mauvais sens que donne le gouvernement aux salariés qui se battent pour préserver leur emploi ", a réagi -Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT.
Preuve que la décision suscite un malaise jusqu'au sein du gouvernement, Pascale Boistard, -secrétaire d'Etat aux droits des femmes et députée de la Somme jusqu'en 2014, a exprimé, sur Twitter, son " émotion fraternelle " devant " une si lourde condamnation ".
Les huit ex-salariés condamnés ont décidé d'interjeter appel, ce qui suspend l'application des peines. La CGT Goodyear prépare, pour le jour de l'audience, une " grande mobilisation nationale ". Avec le soutien de sa confédération qui, dit-elle, " ne laissera pas emprisonner ses militants ".
Francine Aizicovici, avec Anne Rodier