Quand Apple refuse de servir la démocratie par principe clientéliste (2/2)
Publié le 25 Juillet 2016
Je reviens aujourd'hui sur l'épisode de Apple concernant son refus de servir la justice américaine, in fine, le peuple de ce pays.
Cet article dit, bien mieux que moi, ce qui est choquant dans cette histoire. Il met en avant la schizophrénie de cette firme où le seul roi qu'elle suit est celle de l'argent. Cela jette une lumière crue sur son mode de fonctionnement : mieux vaut vendre à des terroristes à qui on assure que ses communications resteront secrètes qu'à préserver la sécurité du citoyen qui, eux, ont déjà leur iPhone !
Le roi fric est un Dieu au pays de la pomme !
Un article du journal 'Le Monde' daté du 19 février 2016
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Citoyen à la carte
Apple est-elle une bonne citoyenne américaine ? La firme à la pomme est en tout cas au cœur des débats de société qui agitent les Etats-Unis. Le dernier en date concerne le cryptage des données sur les téléphones mobiles. Dans le cadre de l'enquête sur l'attaque terroriste de San Bernardino (Californie), survenue le 2 décembre 2015, une juge américaine vient de remettre le sujet sur le tapis en enjoignant, mardi 16 février, à Apple d'" aider à permettre des recherches sur un téléphone cellulaire en fournissant une assistance technique aux forces de l'ordre ". Non, a répondu Tim Cook, le PDG. Pour lui, aider à concevoir un logiciel qui permettrait de pirater son téléphone serait trop dangereux pour les libertés publiques, que le gouvernement est censé protéger.
Apple garant des libertés aux Etats-Unis. Un argument recevable qui s'inscrit dans la lignée du scandale Snowden et de l'émotion mondiale qu'il a suscitée. Mais qui cache aussi une préoccupation commerciale. Apple et Google rivalisent d'assurance sur la sécurité de leurs appareils. Fournir aux autorités la clé " de la porte de derrière " ruinerait leur crédibilité.
Dans le même temps, Apple prend des libertés avec le fisc américain. Si la société paie ses impôts aux Etats-Unis, elle refuse de rapatrier ses bénéfices plantureux réalisés à l'étranger. Résultat, l'entreprise de tous les records – ceux de profits et ceux de trésorerie – s'endette pour pouvoir rétribuer ses actionnaires. Elle a ainsi émis, mardi 16 février, une nouvelle tranche d'obligations de 12 milliards de dollars (10,7 milliards d'euros). C'est la cinquième émission de ce type depuis 2013.
Si 1,5 milliard de dollars seront consacrés à des investissements dans les énergies vertes, dans la foulée de la COP21, l'essentiel sera utilisé pour racheter des actions ou payer des dividendes. Au rythme où vont les choses, Apple sera bientôt à la fois l'entreprise la plus riche du monde et aussi la plus endettée (près de 60 milliards de dollars de dette) !
Inflexible sur la fiscalité
Si elle devait faire revenir un peu des quelque 180 milliards de dollars de trésorerie disponible à l'étranger, elle devrait s'acquitter d'un impôt sur les bénéfices de 32 %, déduction faite des 3 % de taxes payées à l'étranger grâce à d'astucieux montages fiscaux (le taux officiel américain est de 35 %). Mieux vaut donc emprunter à trente ans au taux de 3 %. Au risque de gonfler un peu plus une bulle obligataire déjà conséquente.
Tim Cook explique que les temps changent et que, tant que la loi américaine sur la taxation des bénéfices n'aura pas changé, il ne modifiera pas ses pratiques. Vertueuse sur l'environnement ou les libertés civiles, inflexible sur la fiscalité, Apple s'inscrit dans la grande tradition libertarienne des " barons voleurs " du XIXe siècle qui, de Carnegie à Rockefeller, ont combattu l'emprise de l'Etat sur leurs affaires. Une citoyenneté à la carte, symbole d'un capitalisme qui se cherche de nouvelles règles du jeu.
Philippe Escande