Ce beau pays démocratique qu'est la russie épisode 2

Publié le 10 Septembre 2012

russie-moscou-cathedrale-basileAh quel merveilleux pays que la Russie pour la liberté d'expression ! Bon, c'est vrai que les Pussy Riot ont un peu abusé... Avoir utilisé un lieu de culte et avoir peut être été à l'origine de quelques dégradations à l'intérieur de l'église, est un motif de condamnation pénale. Amusez-vous à amener des guitares électriques à Notre Dame de Paris et chantez une chanson anti-Sarkozyenne, vous amènera devant les tribunaux. Non, pour la chanson, certes, mais pour le trouble manifeste à l'ordre public manifeste qu'est l'utilisation d'un batiment de culte à une propagande déplacée. En France, je considère qu'une condamnation d'une amende de 400Euros, ainsi que, bien entendu, la réparation des dégats dans le lieu de culte, pourrait être réclamée. En Russie, c'est deux ans de prison ferme : pas pareil ! Et, bien entendu, on prend en compte la chanson, alors qu'en France, elle serait anecdotique...

Décidément, quel beau pays !

Un article du journal 'Le Monde' daté du 22 Août 2012

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L'affaire des Pussy Riots pose la question du lien entre le pouvoir russe et l'Eglise
Beaucoup d'intellectuels critiquent la condamnation par la justice de la formation punk au moment où la police annonce de nouvelles poursuites contre d'autres membres du groupe
Moscou Correspondante

On pouvait croire l'affaire Pussy Riot, ces trois jeunes femmes condamnées, le 17 août, à deux ans de colonie pénitentiaire pour avoir chanté un couplet anti-Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou en février, terminée. Il n'en est rien.

Lundi 20 août, la police moscovite a annoncé de nouvelles poursuites contre les autres membres du groupe ayant participé à la " prière punk ". Selon les images filmées le 21 février dans la cathédrale, elles étaient cinq à s'égosiller sur l'estrade sans compter les complices qui filmaient.

Réprouvée par la communauté internationale, la condamnation des jeunes femmes fait beaucoup de bruit dans les médias officiels russes, au sein de la blogosphère et dans la rue. Le débat est même beaucoup plus passionné que celui qui avait entouré en 2010 la deuxième condamnation de l'ex-magnat du pétrole devenu l'ennemi juré de Vladimir Poutine, Mikhaïl Khodorkovski.

En se déhanchant dans la cathédrale Saint-Sauveur, Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 30 ans, et Maria Alekhina, 24 ans ont touché à la composante essentielle de l'identité russe : l'orthodoxie.

Officiellement séparés, Église et pouvoir politique sont très liés. L'élite au pouvoir accorde une place de choix à la religion orthodoxe, perçue comme une clef de cette " identité nationale " en cours d'élaboration depuis l'écroulement de l'Empire soviétique en 1991. Désormais, la fusion est totale entre le Kremlin et le Patriarcat. Juste avant l'élection présidentielle de mars 2012, le patriarche Kirill parlait de Vladimir Poutine comme d'un " miracle divin " tandis qu'il adhérait au " Front populaire ", le nouveau parti poutinien, et incitait les paroissiens à voter pour le " leader national ".

" Notre action visait à révéler au public la collusion entre l'Eglise et le système de pouvoir de Vladimir Poutine ", a expliqué Maria Alekhina à l'hebdomadaire New Times. Mission réussie. Même les médias les plus conservateurs s'interrogent sur le rôle de l'Eglise et du patriarche dans la vie politique. " En choisissant de faire corps avec l'Etat, la tête de l'Eglise orthodoxe aurait dû comprendre qu'elle devenait une cible de choix et que la confrontation avec les militants de l'aile radicale de l'art contemporain était inévitable ", écrit le quotidien Nezavissimaïa Gazeta dans son édition du 20 août.

De nombreux représentants de l'intelligentsia conservatrice, loin d'approuver la performance des Pussy Riot, ne peuvent s'empêcher de critiquer leur condamnation. " Je ne veux pas vivre dans une société ou n'importe quel imbécile peut protester dans une Eglise (...). Mais je veux encore moins vivre dans un environnement qui rappelle les talibans ", écrit le chroniqueur Alexandre Arkhanguelski. " Bientôt certains se diront offensés par le moindre cours de biologie expliquant que l'homme descend du singe ", prévient l'écrivain et historien Nikolaï Svanidze.

L'image de la justice russe, déjà très écornée, n'en ressort pas grandie. Pour avoir chanté sur l'autel " Sainte Vierge Marie, chasse Poutine ", les trois punkettes aux casiers judiciaires immaculés ont pris deux ans de prison, soit la même condamnation que celle infligée récemment par le tribunal de Khimki à Moscou au prévenu Igor Kondratiev, auteur de viols en série, y compris sur des mineures.

Plaintes contre Madonna

Le " thermidor " mis en place par Vladimir Poutine depuis juillet pour juguler la contestation de la rue est en train de virer à l'absurde. Après les ONG sommées de se déclarer " agents de l'étranger ", la diffamation qui fait son retour dans le code pénal (après en avoir été écartée par le président libéral Dmitri Medvedev), les nouvelles restrictions visant les sites Internet et le harcèlement judiciaire des figures de l'opposition, voici venu le temps des plaintes contre... Madonna.

Lundi, le tribunal Moskovski de Saint-Pétersbourg a fait savoir qu'une plainte était actuellement examinée contre la chanteuse américaine, venue en tournée en Russie début d'août. Un groupe de plaignants (des ultranationalistes peu connus comme la Nouvelle Grande Russie et le Syndicat des citoyens russes) estime avoir été offensé par le soutien de la vedette à la cause homosexuelle et réclament des " compensations pour préjudice moral ".

De plus, un débat fait rage à propos de Garry Kasparov, l'ancien champion d'échecs devenu un farouche opposant à Vladimir Poutine. Interpellé sans ménagements aux abords du tribunal Khamovnitcheski où étaient jugées les punkettes le 17 août, puis relâché, il est accusé d'avoir mordu un policier au doigt. A moins qu'il ne s'agisse d'une morsure canine. Selon l'agence de presse Ria Novosti, " la police moscovite va effectuer une analyse comparée de la dentition de Kasparov avec celles des chiens policiers ".

Marie Jégo

Rédigé par Philippe NOVIANT

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