Comment Anne Lauvergeon a dupé l'Etat (1/2)
Publié le 11 Septembre 2014
Décidément, les Français sont souvent là que pour payer pour les puissants ! Le dernier cirque en date : Mme Lauvergeon, qui se sert de sa position pour engager des actes plus qu'hasardeux en rachetant UraMin. Il semblerait que l'on ne soit pas simplement dans le cadre d'une négligence, mais bel et bien d'une tentative de tromperie.
Dans quels buts ? Mystère. Tenter de rester à la tête de la boite ? La justice le dira en temps et en heure, enfin il faut espérer...
A l'arrivée, des faits révélés par ces fantastiques journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, justifiant à eux seuls mon abonnement au journal 'Le Monde' ! Bravo à eux !
Un article du journal 'Le Monde' daté du 17 Mai 2014
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Rachat d'UraMin : comment Areva a dupé l'Etat
Dans une note remise à la justice, la Cour des comptes dénonce les " dissimulations " d'Anne Lauvergeon
Une affaire d'Etat. 2,8 milliards d'euros partis en fumée. Des dissimulations à la pelle. L'enquête menée par Le Monde sur le rachat par Areva, à l'été 2007, de la société canadienne d'exploration minière UraMin lève le voile sur des pratiques qui font l'objet d'une enquête préliminaire menée par le parquet national financier (PNF). C'est la Cour des comptes qui a lancé le processus d'enquête. Le 20 février, elle dénonce auprès du PNF " une suspicion de commission d'infractions pénales ". Effarés par leurs découvertes sur la période 2007-2011, les magistrats n'attendent même pas que leur rapport définitif sur Areva, attendu avant l'été, soit bouclé.
Le Monde a eu accès aux conclusions de ce signalement. Elles sont sans appel. En outre, les magistrats ne comprennent pas pourquoi Areva a investi, en sus du prix d'achat – 1,8 milliard d'euros –, 865 millions d'euros supplémentaires sur les installations UraMin, avant même que les " instances dirigeantes ne disposent d'éléments fiables sur leur pertinence ".
Une personne concentre les critiques : l'ancienne patronne d'Areva, Anne Lauvergeon (2001-2011). Quatre infractions sont même retenues par les magistrats. D'abord, les délits de " présentation ou publication de comptes annuels inexacts et infidèles ", ainsi que la " diffusion d'informations fausses ou trompeuses ". En effet, c'est seulement le 12 décembre 2011 que le conseil de surveillance décide de faire passer 1,4 milliard de provisions sur les actifs d'UraMin, grevant les finances d'Areva pour de longues années. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
Dès le 22 octobre 2010, la direction des finances d'Areva conclut déjà, dans un document de synthèse, à un " risque d'impairment - différence entre la valeur comptable et la valeur d'usage des actifs - sur le périmètre d'UraMin " se montant à 1,82 milliard d'euros. Mme Lauvergeon ne pouvait pas l'ignorer si l'on se fie à un courriel de la direction des finances, le 26 octobre 2010, rappelant " la présentation faite la semaine dernière à la présidente " de ces éléments financiers.
Pourtant, comme le dit le signalement de la Cour des comptes, " le document de référence d'Areva au titre de l'exercice 2010, qui pourrait contenir des informations fausses ou trompeuses rendues publiques, a été signé par Anne Lauvergeon le 28 mars 2011 ". Seul un ajustement comptable de 300 millions d'euros visant UraMin est retenu avec, notent les enquêteurs, des " motifs très succincts et parcellaires ".
D'où le troisième délit susceptible d'être reproché à Mme Lauvergeon, " l'abus de pouvoir ". Selon les magistrats, " ce délit pourrait être imputable à la présidente du directoire ", car elle aurait délivré une " information parcellaire " à sa tutelle, l'Etat, " afin de dissimuler les pertes générées par l'acquisition d'UraMin, qu'elle avait personnellement conduite ".
La Cour des comptes va plus loin. Selon les enquêteurs, " ces manœuvres, contraires à l'intérêt d'Areva, auraient eu pour objet de permettre à Anne Lauvergeon de tenter de se maintenir à la tête du groupe ". Son mandat se terminait en effet en juillet 2011.
A l'Agence des participations de l'Etat (APE), tutelle d'Areva, un sentiment domine aujourd'hui : la colère. Les débats ont été rudes entre Bruno Bézard, alors patron de l'APE, et Mme Lauvergeon, même si ces deux personnalités s'accordaient sur l'intérêt stratégique pour Areva d'élargir son périmètre. Dès le 27 avril 2007, alors qu'Areva vient d'acheter une première participation dans le capital d'UraMin, on relève cette phrase dans une note interne de l'APE : " Areva n'a pas été clair sur de nombreux points. "
Le 7 mai 2007, dans une " note pour le ministre " estampillée " Secret ", Bruno Bézard écrit : " L'APE a demandé à Areva de conduire les investigations techniques adaptées et de démontrer la matérialité des ressources indiquées par UraMin (…). Il conviendra d'éviter qu'Areva prenne le risque de se retrouver avec un niveau de participation dans UraMin trop élevé et difficilement conciliable avec sasituation financière. "
Prémonitoire. Le 22 mai 2007, le comité stratégique d'Areva se réunit. L'APE s'interroge de nouveau sur " l'impact de l'investissement " lié à UraMin. Réponse d'Anne Lauvergeon, selon le compte rendu de la réunion : " Mme Lauvergeon indique que le retour sur investissement ne pose pas de difficultés. " Il est alors question de 90 000 tonnes d'uranium sur trois sites, " l'exploitation ne soulevant pas de difficultés techniques ". Des documents sont produits à l'appui de ces expertises. Mais ce ne sont pas forcément les bons…
Ce qui conduit directement au quatrième délit détecté par la Cour des comptes, " le faux et usage de faux en écriture privée ". Les magistrats suspectent que les " due diligences ", ces vérifications préalables à l'achat d'UraMin, ont été sciemment caviardées lors de leur transmission à la tutelle d'Areva. De fait, deux synthèses quasi similaires de ces " due diligences " émanant d'Areva existent. Le document le plus complet, demeuré en interne chez Areva, parle en ces termes du management d'UraMin : " Manque d'expérience dans le domaine de l'uranium. " Il fait état d'une " planification des projets " qui " paraît optimiste " et émet des réserves sur " la validité des estimations SRK ".
SRK, c'est cette société d'expertise mandatée par UraMin pour auditer ses réserves, dont l'avis sera déterminant dans le processus d'achat. Le 28 octobre 2010, dans un mémo confidentiel, Frédéric Tona, ex-vice-président exécutif d'Areva, écrira d'ailleurs " qu'Areva a repris à son compte l'étude de faisabilité de SRK sans pouvoir la revoir et a repris les hypothèses SRK comme fiables ".
Enfin, la synthèse interne des " due diligences " parle aussi du " peu de données fiables " et d'un " calendrier général du projet flou ". Autant de doutes, que l'on ne retrouve pas dans les " due diligences " soumises à l'APE.
Mieux – ou pire – le 30 mai 2007, lors du conseil de surveillance d'Areva, le directeur du secteur mines, Olivier Mallet, assure que les " due diligences effectuées récemment par Areva ont permis de considérer que les ressources en uranium dont dispose UraMin sont plus importantes que ne le laissaient espérer les études préliminaires ". C'est ainsi que l'Etat va donner son aval à l'opération. Très vite, ce sera la débandade…
Reste que la justice aura mis longtemps à se mettre en route. Dès le 3 janvier 2012, l'affaire UraMin est examinée dans une note de synthèse rédigée par Pierre Charreton, secrétaire général d'Areva, qui conclut : " Ce qui ne cesse d'intriguer, c'est le comportement de la présidente du directoire (avant, pendant et après l'acquisition). Force est de constater que, malgré l'accumulation d'indices concordants qui pourraient laisser penser qu'Areva a été la victime d'une acquisition réalisée dans des conditions contestables, la présidente du directoire n'a jamais cherché à éclaircir les conditions ayant entouré l'acquisition d'UraMin. "
Ces soupçons internes sont transmis au parquet de Paris, qui reçoit même une délégation d'Areva. Le procureur de Paris, François Molins, ne donne pas suite, préférant se concentrer sur l'affaire d'espionnage ayant visé Anne Lauvergeon – jugée ce vendredi 16 mai par le tribunal correctionnel de Paris. Sollicité, le parquet de Paris conteste tout traitement de faveur et rappelle que les comptes d'Areva avaient été déclarés sincères, à l'époque, par une mission d'audit menée par un expert, René Ricol.
Désormais, les enquêteurs de la brigade financière s'attachent, en examinant les nombreux éléments dont ils disposent déjà, à étayer les accusations de la Cour des comptes.
Gérard Davet et Fabrice Lhomme
" Une affaire montée de toutes pièces "
Interrogé par Le Monde vendredi 16 mai, l'avocat de Mme Lauvergeon, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, dénonce " une affaire fabriquée de toutes pièces, un montage destiné à nuire à la réputation professionnelle de - sa - cliente ". Il qualifie les griefs de la Cour des comptes d'" appréciations subjectives ne reposant sur aucun fait tangible ". " Je rappelle que les comptes n'ont pas été arrêtés par la seule Anne Lauvergeon ! ", s'exclame-t-il, et qualifie le soupçon d'abus de pouvoir de " calomnie, car tous les documents ont été produits à l'Agence des participations de l'Etat. Pour cette même raison, les accusations de faux sont diffamatoires ".