L'innovation n'est pas tout à fait morte en France : merci Décathlon !
Publié le 31 Mai 2013
C'est une belle leçon que donne l'entreprise Décathlon en France : elle montre que l'innovation est encore bien présente dans notre pays. Ces bonnes nouvelles luttent quelque peu contre la sinistrose ambiante qui tendrait à montrer qu'en France, on est juste des bons à rien...
On ne l'est pas... quand on travaille...
Mais c'est vrai que la France et les Français, 35h aidant, ont pris l'habitude de plutôt mettre leurs doigts de pied en éventail plutôt que de bosser. Résultat, un taux de chômage qui s'envole et une économie moribonde.
Décathlon est donc une pépite dans notre pays, pépite qu'il faut valoriser et à tout prix conserver car nous n'en avons pas tant que ça...
Seul reproche selon moi : l'abandon du vélo en titane. Ce vélo était le moins cher du marché dans sa catégorie, mais Décathlon l'a abandonné car il lui revenait trop cher. A quand son retour M. Décathlon ?
Un article du journal 'Le Monde' daté du 5 Mars 2013
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Decathlon, à fond l'innovation
Depuis une dizaine d'années, l'enseigne nordiste s'est organisée pour concevoir des produits sportifs simples, innovants et à prix abordable. Question d'image... et de rentabilité
Villeneuve-d'Ascq (Nord)
Pour comprendre la manière dont fonctionne l'innovation chez Decathlon, il suffit de se rendre à Villeneuve-d'Ascq (Nord), de trouver une place sur le parking de Decathlon Campus, puis d'entrer dans l'un des plus grands magasins de sport d'Europe. Enfin, il faut se faufiler jusqu'à la porte discrète tapie au fond du rayon cycles.
Derrière, on découvre un autre magasin. Avec la même moquette verte au sol, les mêmes rails métalliques au plafond, ceux qui subsistent de l'ancienne usine Bull qui occupait naguère les lieux. Seule différence, les centaines de personnes qui circulent ne sont ni des clients ni des vendeurs, mais les concepteurs des produits qui viendront bientôt garnir les allées de Campus, de l'autre côté du mur.
Oxylane, la maison mère de Decathlon, mise tout sur l'innovation depuis le début des années 2000. " L'objectif, c'est la montée en gamme de nos produits. C'est plus intéressant en termes de marge, et cela permet de limiter les dépenses publicitaires ", explique-t-on au siège d'Oxylane.
Les premiers tee-shirts Decathlon datent de 1986. Aujourd'hui, plus de 60 % des ventes sont faites avec des produits maison. Chaque année, 2 800 nouveautés arrivent en rayon, soit 10 % de l'inventaire.
Il faudra attendre 2006 et l'arrivée de la tente " deux secondes " - 8 millions d'exemplaires écoulés - pour que la créativité de l'enseigne saute aux yeux du grand public. " Ils sont très malins dans l'innovation, très justes dans le rapport qualité-prix, estime Delphine Mathez, consultante chez Roland Berger. Ils ont aussi la taille nécessaire pour se le permettre. "
C'est Vincent Leenhardt, le directeur de l'innovation d'Oxylane, qui joue le chef d'orchestre. " C'est un processus d'innovation qu'il faut installer, pas des personnes innovantes ", affirme celui qui veille à l'articulation - complexe -, entre les différentes entités d'Oxylane : 21 " marques passion " et 12 " marques composants ". Les premières se réfèrent aux univers sportifs : Kipsta pour le football, Inesis pour le tennis et le golf, ou B'twin pour les cycles. Les secondes correspondent à des briques technologiques : le travail sur l'étanchéité des textiles (Novadry), ou celui sur la high-tech (Geonaute).
Enfin, Oxylane Research réunit 50 scientifiques chargés de la recherche fondamentale, dans la thermodynamique, la physiologie, etc. En 2011, 36 brevets ont été déposés par leurs soins, dans un portefeuille qui en contient presque 900. Ces chercheurs travaillent pour toutes les marques du groupe. " Soit elles demandent l'aide, soit nous allons leur proposer quelque chose. Notre rôle, c'est de partager et de transférer les connaissances entre les différentes composantes ", souligne M. Leenhardt.
Ce dernier n'hésite pas à aller chercher les compétences à l'extérieur. Pour mettre au point une caméra amovible pouvant filmer à 360 degrés, Geonaute a fait appel à Giroptic, société lilloise experte en vision panoramique. " Ils nous ont beaucoup appris sur l'aspect industriel, mais ils fonctionnent en mode start-up ", constate Richard Ollier, son fondateur. Autre exemple, pour un cadenas à vélo, B'twin s'est inspiré des méthodes... de quelques voleurs, rebaptisés pour l'occasion " partenaires techniques ".
Tout ce petit monde dispose sur place d'un atelier de prototypage, qui permet de fabriquer des " monstres " en moins de 24 heures. Les " tests de torture " sont un autre passage obligé. Chaque produit fait l'objet d'au moins dix prototypes, et de beaucoup plus de tests, dans des machines inventées sur place, comme le simulateur de pluie et de vent caché dans les entrailles de " Campus ". " C'est cette exigence de sécurité et de qualité qui m'a le plus frappé en découvrant Oxylane ", souligne Olivier Bernasson, patron de Pecheur.com, un site racheté par les Nordistes en 2010.
Rien ne vaut les essais grandeur nature et la proximité avec les clients. Pour inventer une bouée, le chef de produit Tribord a pris l'eau 300 fois. Son bureau est à deux pas de la plage landaise d'Hendaye (Pyrénées-Atlantiques). Tout comme Quechua (montagne) est installé à Sallanches, en Haute-Savoie. Le chef de projet de Startech, l'arc avec des flèches à ventouse, a lui testé le packaging de son produit dans un magasin, " pour valider le choix et surtout se réconforter ".
Ce dernier a pu confronter son bébé à ceux de ses collègues, le 15 novembre 2012, lors des Oxylane Innovation Awards. Une grande fête annuelle au Zénith de Lille. Pendant deux heures, les équipes de conception ont défilé sur scène devant 3 000 spectateurs.
" Innover, c'est faire un produit astucieux, accorder la technique et le beau pour faciliter la vie des sportifs, prêchait alors Yves Claude, le directeur général d'Oxylane. C'est plus compliqué d'innover sur des produits peu chers ! " Au final, l'équipe qui a conçu une besace se transformant d'un geste en sac à dos a raflé la mise. Il sera en vente en mars, pour moins de 40 euros.
Julien Dupont-Calbo