La démocratie n'est pas encore à l'ordre du jour en Chine
Publié le 21 Juin 2013
La Chine n'est pas encore un pays démocratique. En matière de droits de l'Homme, la Chine a encore énormément de progrès à faire, en particulier vis à vis de sa politique de l'enfant unique. La Chine ne sera un grand état que lorsqu'elle sera à même de traiter l'ensemble de son peuple avec dignité.
On n'y est pas encore.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 2 Avril 2013
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Stérilisations forcées, séquestrations et tortures
Dans les campagnes et dans les villes, l'" armée des avorteurs " des fonctionnaires et de leurs supplétifs sévit en marge de la légalité
Pékin Correspondant
En trente ans d'application, de 1980 à 2010, la politique de l'enfant unique a conduit à 281 millions d'avortements et 516 millions d'opérations de pose de contraceptifs et de stérilisation, selon le ministère de la santé. Elle a constitué pour les citoyens chinois un motif persistant d'invasion de la sphère des droits privés par l'armée de fonctionnaires et supplétifs chargée de la mettre en oeuvre. Face à des familles qui tentent de s'y soustraire en cachant les femmes jusqu'à l'accouchement, tous les moyens sont bons pour la faire appliquer.
Gao Liguo, un habitant de la ville de Pizhou, dans la province du Jiangsu, en sait quelque chose : sa femme, fonctionnaire à la cour des comptes locale, a été dénoncée alors qu'elle était en congé pour dissimuler sa grossesse. Le couple avait déjà un enfant. Le 23 août 2010, vers midi, une dizaine de personnes sont arrivées chez lui. " Ils m'ont enfermé dans un hôtel. Pendant trois jours, ils m'ont empêché de dormir, en laissant les lampes et la télé allumées. Ils se relayaient pour me réveiller et me faire la leçon. Nous étions prêts à démissionner et à payer une amende, mais on me répondait que c'était impossible, car c'était l'ordre du secrétaire du Parti ", raconte-t-il.
Gao Liguo finit par révéler l'endroit où se cache sa femme. Celle-ci est à son tour séquestrée pendant une journée et sermonnée. Elle est enfin conduite à l'hôpital, mais le médecin refuse de prendre la responsabilité de la faire avorter à la 32e semaine. " J'ai été forcé de signer une décharge ", poursuit le mari. Mme Gao a survécu à l'opération et a gardé son travail. Le couple a tenté en vain de dénoncer le traitement auquel il a été soumis. " J'ai essayé de me plaindre auprès des comités des disciplines et de planning familial, mais personne ne s'en charge. J'en ai parlé à un avocat, il s'est dégonflé. Comme si nous n'avions aucun droit, même celui de survivre ", dit, toujours amer, Gao Liguo.
Les méthodes de la planification familiale sont très souvent en conflit avec la légalité, ce qui est intenable pour la construction d'un Etat de droit, explique Yang Zhizhu, professeur de droit à l'Université chinoise des sciences politiques de la jeunesse, à Pékin, et militant au long cours du droit d'avoir des enfants. " Toutes sortes de crimes graves ne sont pas poursuivis : il y a des séquestrations, des tortures, des cas d'homicides ", dit-il. " La planification familiale, explique-t-il, a le statut d'une politique nationale de base : cela implique qu'elle dépend du secrétaire du Parti et compte pour l'évaluation de sa carrière. Les tribunaux et la police n'agissent pas. Il y a probablement des consignes internes dans ce sens. " Selon les endroits et les moments, " c'est la bourse ou la vie, l'amende ou l'avortement! C'est un équilibre, selon les besoins en statistique, ou en financement. Les règles sont floues ! "
Dans nombre d'administrations rurales pauvres de l'ouest et du centre, l'argent ainsi récolté forme une part substantielle du budget local. " Dans les campagnes, les autorités essaient de faire payer les gens avant l'accouchement, car les jeunes travaillent loin. Il n'est pas rare que le père soit séquestré au moment du Nouvel An chinois, quand le couple revient voir la famille ", raconte-t-il. Dans les villes, les pressions ont lieu à travers le travail : chaque administration dispose d'une personne chargée de surveiller les employées. Yang Zhizhu fut lui-même suspendu de son poste d'enseignant en 2010 après la naissance de sa seconde fille.
Malgré ses 500 000 employés, la Commission de la planification familiale doit recourir à une armée de 2 millions de supplétifs. " Souvent, le chef du bourg organise une équipe d'exécution du planning familial, composée de gens ordinaires, de petits fonctionnaires. Certains de ces intérimaires font ça depuis très longtemps ", explique le militant. Le retentissement, l'an dernier, du cas de Feng Jianmei, une jeune femme du Shaanxi obligée d'avorter au septième mois, a poussé la Commission de la planification familiale à publier un règlement interdisant les avortements après le sixième mois. Mais un nouveau cas, dans la province de l'Anhui, le 22 mars, a déjà surgi sur l'Internet chinois.
Les performances spectaculaires de la politique de l'enfant unique reposent aussi sur une gestion systématique de la contraception : dans les campagnes, où un couple peut avoir un deuxième enfant si le premier est une fille, les femmes ont l'obligation de se faire poser un dispositif intra-utérin pendant le délai réglementaire entre deux naissances. Après le deuxième enfant, ou le premier si c'est un garçon, la ligature des trompes pour les femmes, irréversible, et la vasectomie pour les hommes, sont encouragées - parfois par des primes. S'y soustraire attire toutes sortes d'ennuis. Toutes ces opérations - sauf les avortements tardifs - se font en zone rurale dans les centres du planning familial, où seule un peu plus de la moitié du personnel médical est qualifiée, selon les chiffres du ministère de la santé.
C'est une autre raison pour les démographes chinois de se réjouir de la fusion de la Commission de la planification familiale avec le ministère de la santé : ils s'attendent à davantage de " professionnalisation " et de " service " dans la gestion d'une politique honnie par la population.
B. Pe.