La France doit renoncer à livrer des armes à la Russie
Publié le 27 Octobre 2014
Le fait que la Russie ait été impliquée dans le crash du vol MH 17 est malheureusement une évidence. Les rebelles ont été armés par la Russie et le missile qui a touché l'avion civil a été livré par la Russie. Ainsi, il est particulièrement maladroit et honteux de livrer des navires de guerre à un pays qui s'est rendu à ce point coupable d'ingérence vis à vis de son voisin Ukrainien pour pouvoir agrandir ses frontières.
La France doit donc prendre ses responsabilités à deux titres :
1. En refusant de livrer les navires de guerre que la Russie à commandés.
2. En maintenant une pression forte pour que la Russie cesse d'intervenir en Ukraine.
C'est à ce prix que la France pourra continuer à se dire qu'elle respecte les droits de l'Homme, car elle a une responsabilité majeure en la matière étant l'inventeur du concept.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 23 Juillet 2014
***************
Face à la Russie, l'Europe choisit de tergiverser
Cinq jours après le crash du MH 17, les Vingt-Huit hésitent toujours à durcir les sanctions contre Moscou
Bruxelles Bureau européen
Beaucoup d'indignation mais pas de sanction. Malgré l'émotion planétaire suscitée par la destruction en plein vol d'un avion de la Malaysia Airlines au-dessus de l'Ukraine, le 17 juillet, les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne ne s'apprêtaient pas à adopter de représailles sévères contre la Russie, lors de leur réunion, mardi 22 juillet, à Bruxelles.
Alors que les Etats-Unis pressent leurs alliés européens de durcir les mesures de rétorsion contre le Kremlin, à l'instar de celles adoptées par Washington avant cet accident, il semblait peu probable que les chefs de la diplomatie de l'UE aillent au-delà d'une vive condamnation de cet attentat qui a fait 298 victimes, dont une majorité d'Européens. " Nous avons le doigt sur la gâchette, mais la détente viendra plus tard ", disait-on à Paris à la veille de cette rencontre.
Autrement dit, les Européens vont sermonner Moscou et se réservent la possibilité, " dans les quinze prochains jours ", de préciser leur riposte. " Nous ne sommes pas dans une logique de sanction, mais de dissuasion vis-à-vis de la Russie ", souligne une source française.
La réunion ministérielle de mardi devait être précédée, à l'aube, de deux réunions entre les ambassadeurs de l'UE, mais " tout dépendra clairement de l'attitude des Pays-Bas ", indiquait une source bruxelloise de haut niveau.
Au cours des derniers jours, le ministre néerlandais des affaires étrangères, Frans Timmermans, s'est rendu en Ukraine et aux Nations unies, à New York. M. Timmermans allait, selon des sources néerlandaises, prôner surtout le respect pour les victimes de la catastrophe, la nécessité de récupérer rapidement les corps et de lancer une enquête en profondeur sur les causes et les responsabilités du drame qui a coûté la vie à 192 citoyens des Pays-Bas, dont de nombreux enfants.
Mais La Haye craint qu'une décision hâtive de l'UE ne fasse qu'envenimer la situation : acculées, les forces séparatistes de l'est de l'Ukraine risquent de se montrer plus radicales et d'empêcher les investigations de la communauté internationale. " Il nous semble difficile d'aller plus loin, dès mardi, en matière de sanctions, mais ce sera aux Néerlandais de nous le dire ", commentaient en substance des experts français et allemands.
Les premières exigences de La Haye semblent satisfaites. Fort opportunément, à la veille de la réunion de Bruxelles, les rebelles séparatistes ont remis, lundi, les boîtes noires du Boeing 777 à une délégation malaisienne et ont permis le départ du train réfrigéré contenant les corps de 282 victimes. Le président russe, Vladimir Poutine, s'est de nouveau entretenu, mardi aux premières heures, avec le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, pour la deuxième fois en trois jours.
Voilà pour l'immédiat après-crash. Il s'agira ensuite de " distinguer la catastrophe des représailles ", analyse une autre source bruxelloise.
Dans un premier temps, le Conseil européen va élargir la base juridique permettant de sanctionner des individus et des " entités ". Cette procédure est indispensable mais beaucoup plus complexe que celle qui est en vigueur aux Etats-Unis. " Obama peut prendre une ordonnance, mais nous, nous devons nous coordonner à vingt-huit et agir sous le regard exigeant des juristes ", insiste-t-on à Paris pour expliquer le décalage entre Bruxelles et Washington, alors que les Américains poussent l'UE à cibler, notamment, les responsables des " républiques populaires " de Donetsk et Louhansk. " On voudrait faire plus, mais techniquement, on ne pourra pas présenter, mardi, une liste d'individus qui tienne la route devant les tribunaux ", dit-on à Paris.
Les Vingt-Huit devraient aussi annoncer la mise à l'étude de mesures supplémentaires visant, par exemple, à imposer un " black-out financier " avec la Crimée, en interdisant toutes les transactions bancaires et les investissements dans cette région annexée par Moscou.
Le" volet 3 " des sanctions européennes – des mesures économiques contre des sociétés russes de premier plan, entre autres – devrait être réévoqué. " On ne voit pas comment on pourra échapper à cette discussion ", souligne-t-on au Quai d'Orsay, même si elle divise les partisans de la méthode forte et ceux qui ont surtout l'œil rivé sur le dossier de l'approvisionnement énergétique, dont une bonne part de leur économie est dépendante. Parmi ces pays, on trouve notamment la Grèce, l'Autriche, l'Estonie et l'Italie, cette dernière ayant en outre de nouveaux projets de coopération avec Moscou dans le domaine de l'énergie. " Il n'est pas certain que les pays voisins de la Russie aient très envie de cogner sur Gazprom, de crainte des représailles ", ajoute-t-on à Paris.
La question des sanctions économiques est toujours, à ce stade, " une discussion en cours ", relève une source française. Un euphémisme qui masque la pression croissante sur la France pour qu'elle renonce à la livraison des navires de guerre Mistral à la Russie. David Cameron, le premier ministre britannique, n'a pas caché son irritation, lundi, devant la Chambre des communes : " Dans notre pays, il serait impensable de remplir un contrat comparable à celui que les Français ont conclu (…). Nous ne pouvons pas continuer à faire du “business as usual” avec un pays qui se comporte de cette façon. "
De son côté, François Hollande a légèrement infléchi la position française. Evoquant le Mistral devant la presse présidentielle, lundi soir, le chef de l'Etat a souligné que " le premier est quasiment achevé et va être livré, tel que cela est prévu, au mois d'octobre ". Avant de poursuivre : " Est-ce à dire que le reste du contrat, le deuxième Mistral, pourra être fait ? Cela dépendra de l'attitude de la Russie. "
A Paris, on soutient qu'il n'est pas question, pour l'heure, d'envisager des sanctions rétroactives lors de la réunion de Bruxelles. " Si c'était le cas, on a beaucoup d'idées sur d'autres secteurs qui pourraient être affectés ", lâche de façon sibylline un conseiller influent. Une allusion claire aux nombreux contrats allemands avec la Russie dans les domaines de l'énergie, des biens d'équipements et, aussi, de l'armement.
A n'en pas douter, la Russie est passée maître dans l'art de diviser les Européens pour continuer à mieux peser sur l'Ukraine.
Jean-Pierre Stroobants et Yves-Michel Riols (à Paris)