La France obligée d'être compétente dans le domaine juridique
Publié le 18 Décembre 2014
Je m'étais déjà insurgé de décisions honteuses dans le domaine juridique concernant la gestion des enfants nés par gestations pour autrui (GPA). Aujourd'hui, la Cour européenne des droits de l'homme est en phase avec ce que je disais à l'époque : on ne peut condamner un enfant à subir une situation pour laquelle il n'est pour rien.
Refuser une identité sous prétexte que sa naissance n'a pas été acquise légalement, fait peser une punition très clairement abusive. Si la naissance n'est pas acquise légalement, il faut des sanctions pénales. Comme il n'y en a pas, on ne peut pas punir, c'est aussi simple que cela. Il est particulièrement surprenant que dans un pays comme le nôtre, où tous nos hommes politiques font du Droit à longueur de journée, on en vienne à des décisions aussi absurdes. Nos juges seraient-il des incompétents ? Très clairement, dans de nombreuses décisions, il est plus que légitime de se poser la question.
Mme Agacinski ne comprend rien quand elle dit qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant de naître par GPA en disant que cette conception lui paraît peu digne d'une Cour qui défend les droits de l'homme. Elle ne comprend rien, car elle souffre de débilité profonde : l'intérêt de l'enfant est d'être aimé par des parents qui l'ont désiré, peu importe ce qu'ils ont fait pour le désirer.
La solution est simple : quand on veut mettre en place une interdiction, on met en place des sanctions. Il faut donc mettre en place un arsenal pénal qui punit les parents faisant appel à la GPA, car ce sont eux les coupables vis à vis de la Loi. Que la Loi soit bonne ou mauvaise, là n'est pas la question. Il faut qu'elle soit complète, il faut donc un arsenal pénal et répressif qui punit. On ne l'a pas fait jusqu'à présent et ce n'était pas une raison pour condamner les enfants. La Loi doit donc évoluer.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 17 Septembre 2014
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Le gouvernement poussé à clarifier sa position sur la GPA
Pétition, proposition de loi, manifestation... Malgré des convergences de fond, les anti-gestation pour autrui avancent en ordre dispersé
Dans l'entourage de la secrétaire d'Etat à la famille, Laurence Rossignol, le ton se veut ferme : " Ce n'est pas la pression qui détermine une politique. " La position du gouvernement n'a pas changé, il ne contestera pas la décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) du 26 juin, qui contraint la France à reconnaître les enfants nés par gestation pour autrui (GPA) à l'étranger au nom de leur intérêt supérieur.
La pression, pourtant, monte de toutes parts pour que la France fasse appel, alors qu'approche la date-butoir, fixée au 26 septembre. " Le minimum serait que le gouvernement clarifie sa position et dise quelle initiative il compte prendre pour empêcher la dérive probable due à la décision de la CEDH ", estime Jean Leonetti, député UMP des Alpes-Maritimes.
Ce dernier devait être reçu mardi 16 septembre par Mme Rossignol et devait déposer le lendemain une proposition de loi visant à sanctionner de six mois à un an de prison les personnes qui auraient recours à la GPA. Quelques jours plus tôt, le député UMP de Paris Pierre Lellouche rendait publique une proposition de résolution à l'Assemblée nationale afin que la France " réaffirme le principe d'interdiction de la gestation pour autrui ".
Le 5 septembre, c'est Sylviane Agacinski qui était reçue par Mme Rossignol. La philosophe est l'inspiratrice d'une pétition publiée par Libération à la mi-juillet, et signée par 8 000 personnes de tous horizons, dont beaucoup sont issues de la gauche – anciens responsables politiques comme Jacques Delors, Lionel Jospin, Yvette Roudy, personnalités telles que Nicole Notat, Bernard Poignant ou José Bové, mais aussi écrivains, chercheurs, médecins… Ils demandent directement à François Hollande de contester la décision de la Cour européenne. Le point d'orgue sera atteint lors de la " manif pour tous " du 5 octobre, où la lutte contre la " marchandisation de l'humain " fera partie des principaux mots d'ordre des anciens opposants au mariage gay.
Cette contestation provient d'horizons disparates, mais sur ce sujet qui transcende les clivages politiques, les " anti " partagent quelques principes. D'abord l'opposition à la GPA. " La maternité de substitution est une marchandisation et une aliénation, résume Sylviane Agacinski. On ne peut pas comparer le fait de donner des cellules procréatives avec la grossesse et l'accouchement. Etre enceinte est un état qui n'est pas distinct de la vie de la femme, ce n'est pas non plus une activité laborieuse. "
Cette vision est plutôt consensuelle en France. Le gouvernement n'a jamais envisagé de légaliser la GPA. Mais les " anti " redoutent que la reconnaissance de la filiation des enfants conçus dans les pays où la GPA est autorisée n'ouvre une brèche. " Cela ne légalise pas la GPA, mais cela organise une régularisation ", estime M. Lellouche. " Si des parents reviennent en France et qu'ils deviennent automatiquement les parents légaux, la prohibition de la GPA ne tiendra pas 5 secondes, estime Mme Agacinski. Cela instaurera une inégalité criante entre ceux qui auront les moyens d'aller à l'étranger et les autres. "
Selon M. Leonetti, le refus d'inscription à l'état civil était le " dernier obstacle " qui freinait le développement du recours à la GPA – le nombre de naissances est actuellement estimé par les associations à 200 par an en France. Des sanctions pénales sont aujourd'hui prévues uniquement pour les intermédiaires. " Pour les personnes qui y ont recours, la seule interdiction est civile et n'est pas assortie de sanctions pénales ", précise M. Leonetti, qui préconise de " renforcer l'arsenal juridique ". Dans les faits, même si la filiation n'est pas reconnue en France, l'état civil des enfants établi à l'étranger n'est pas contesté. Les parents confrontés à cette situation se plaignent de difficultés avec l'administration et souffrent d'un manque de reconnaissance officielle, mais ils ne sont en général pas inquiétés par la justice ni empêchés de mener une vie de famille.
Le principal argument de la Cour européenne, à savoir " l'intérêt de l'enfant " ne convainc donc pas les opposants. " L'intérêt de l'enfant est-il de naître d'une femme utilisée comme un animal pour sa capacité procréatrice, et d'être “donné” ou plutôt vendu à la naissance ?, interroge Mme Agacinski. Cette conception me paraît peu digne d'une Cour qui défend les droits de l'homme. "
Malgré des convergences de fond, l'offensive anti-GPA ne parvient pas à prendre un tour unitaire. Quelque 150 parlementaires soutiennent la proposition de loi de M. Leonetti, mais ils sont uniquement de droite (UMP et UDI). " On devrait être 577 à signer, maugrée M. Leonetti. Mais beaucoup d'élus de gauche m'ont dit qu'ils n'adhéraient pas à l'idée d'une peine de prison. " En outre, ces élus ne veulent pas embarrasser un gouvernement déjà mal en point.
" N'allumons pas d'incendie sur ce sujet, le contexte ne s'y prête pas ", plaide le député PS de la Vienne et ancien rapporteur des lois de bioéthique Alain Claeys, qui a signé la pétition initiée par Mme Agacinski… mais ne soutiendra pas la proposition de M. Leonetti. Celle-ci n'ayant aucune chance d'être votée, les espoirs des opposants résident dans l'adoption par le gouvernement d'une solution alternative à la retranscription de la filiation à l'état civil.
Mme Agacinski propose ainsi un " renforcement de l'autorité parentale " pour les " parents d'intention ", qui pourraient être reconnus comme tuteurs légaux des enfants. Un statut d'ores et déjà contesté par la sociologue Irène Théry, qui y voit une façon de " réinventer les parias sociaux ". " Il faut n'avoir aucun visage en tête, aucun cas concret d'enfant concerné, pour imaginer une telle solution ", estime-t-elle.
Le gouvernement reste, de son côté, flou sur ses intentions. Mme Rossignol ne dément pas travailler sur l'option du tutorat, ainsi que sur " toutes les hypothèses pour faire respecter l'interdiction de la GPA sur notre territoire ", sans plus de précision. Le ministère de la justice, dont le poids politique est prépondérant, n'a en revanche pas connaissance d'un tel projet.
Gaëlle Dupont
La France condamnée par la CEDH
Ce que dit la loi L'article 16-7 du code civil dispose que " toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ", mais n'est pas assortie de sanctions pénales. En revanche, le fait d'être intermédiaire entre un couple et une mère porteuse est puni de six mois de prison, et la falsification d'état civil de trois ans.
La filiation non reconnue Actuellement, les enfants nés de GPA dans un autre pays vivent en France avec des papiers et un état civil étrangers. Leur filiation n'est pas reconnue en France, même si les gamètes du père ont la plupart du temps servi à la conception. Une circulaire de février 2013 vise à leur faciliter la délivrance de certificats de nationalité, donc de papiers d'identité français.
Ce que change l'arrêt de la CEDH Deux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, rendus le 26 juin, ont condamné la France pour ne pas avoir inscrit à l'état civil les enfants des couples Mennesson et Labassée, nés par mères porteuses aux Etats-Unis. Elle estime que l'absence de filiation officielle " porte atteinte à leur identité au sein de la société française ". La France n'est pas contrainte de légiférer pour appliquer les arrêts. Elle peut laisser les tribunaux mettre le droit national en conformité avec le droit européen, qui s'impose à lui.