La protection des sources des journalistes doit être sanctuarisée.
Publié le 20 Août 2013
Cet article est intéressant car il donne une définition juste et modérée du journaliste. Ainsi, est qualifiée de journaliste " toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique à titre régulier ou occasionnel le recueil d'informations et leur diffusion au public ".
L'intérêt, dans une future Loi, réside dans cet aspect de protection des sources pour une définition élargie du journaliste.
Cela n'a rien à voir avec cet article, mais je ne peux m'empêcher de remarquer que M. Aphatie n'est donc pas journaliste car il ne fait pas de recueil d'informations, mais se contente de faire un commentaire sur une information fournie par d'autres.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 25 Mai 2013
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Le secret des sources sera bientôt mieux protégé
Un projet de loi n'autorise la violation des sources des journalistes que pour prévenir une atteinte grave aux personnes
Le secret des sources des journalistes est théoriquement garanti par la loi depuis janvier 2010, mais plusieurs magistrats, à Nanterre, Lille ou Marseille, ont décidé de passer outre. Deux juges de Lille ont même, contre l'avis du parquet, envisagé de requérir ces dernières semaines les facturations téléphoniques détaillées - les fadettes - de journalistes du Monde, du Figaro, de Libération, du Parisien, de L'Express et du Point, poursuivis pour " recel de violation du secret de l'instruction " dans l'affaire DSK. Cette violation du secret des sources est explicitement écartée par une circulaire de la chancellerie du 20 janvier 2010, sanctuarisée par un arrêt de la Cour de cassation le 6 décembre 2011, mais rien n'y fait. Christiane Taubira, la garde des sceaux, devrait ainsi proposer un texte plus protecteur, début juin, en conseil des ministres.
Il ne s'agit pas d'une revendication corporatiste d'une profession passablement décriée ; " garantir la liberté d'expression, indique la chancellerie, est une nécessité impérieuse qu'imposent à la fois notre Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme ". Pour la Cour européenne, la presse est " le chien de garde de la démocratie ", et la protection des sources " l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse ".
Le texte du gouvernement s'attache d'abord à définir ce qu'est un journaliste et en donne, à l'image de la loi belge, une interprétation plus large que le code du travail. Est journaliste " toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique à titre régulier ou occasionnel le recueil d'informations et leur diffusion au public ".
La Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui a rendu un avis minutieux sur le texte, préconisait que le secret des sources des " lanceurs d'alerte " ou des blogueurs indépendants puisse aussi être protégé, mais le gouvernement ne souhaite pas aller jusque-là. En revanche, la protection du secret des sources s'applique aussi aux " collaborateurs de la rédaction ", comme le coursier qui va chercher un pli ou le responsable informatique.
Ainsi " constitue une atteinte au secret des sources d'un journaliste tout acte tendant à découvrir comment et par qui celui-ci a obtenu les informations qu'il collecte ou qu'il diffuse ". La protection juridique n'est pas absolue, mais " il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que pour prévenir ou réprimer la commission soit d'un crime, soit d'un délit constituant une atteinte grave à la personne ". Sous deux conditions : lorsque les informations " revêtent une importance cruciale pour la prévention ou la répression " de ces infractions et de surcroît lorsqu'elles " ne peuvent être obtenues d'aucune autre manière ". Des conditions de " proportionnalité " et de " nécessité " imposées par la Cour européenne. " Toutefois, un journaliste ne peut en aucun cas être obligé de révéler ses sources " : il suffit de faire ses fadettes ou de perquisitionner à son bureau ou chez lui.
Le flou de ces restrictions inquiète peu : les atteintes aux biens ne permettent pas de violer le secret des sources, seulement " les atteintes graves " à la personne (meurtres, viols, actes de torture et de barbarie). Mais qu'en est-il du terrorisme ? Le délit " d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste " est très large en France : une enquête sur l'affaire Merah pourrait-elle justifier une perquisition dans un journal ? Et comment gérer le secret-défense ? Il s'agit bien parfois d'un " impératif prépondérant d'intérêt public ", comme l'impose la Cour européenne pour légitimer une atteinte au secret des sources, mais, en France, le secret-défense est extensif : donner le nom d'un policier de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) est déjà un délit.
" Sagesse du juge "
La chancellerie avait le choix entre cette formulation ou une liste d'infractions qui autoriserait l'atteinte au secret, liste nécessairement incomplète et inadaptée. Elle s'en remet du coup " à la sagesse du juge ". C'est en effet un juge des libertés et de la détention (JLD) qui décidera, par ordonnance motivée, si l'atteinte est justifiée - donc ni un procureur ni le juge d'instruction chargé de l'enquête, mais un juge du siège statutairement indépendant. La procédure devient assez comparable à celle des avocats : le JLD définira ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Les enquêteurs en perquisition n'auront par exemple pas le droit de saisir l'ordinateur d'un journaliste.
Autre avancée, les délits de recel de violation du secret professionnel, du secret de l'enquête, de l'instruction ou d'atteinte à l'intimité de la vie privée sont supprimés pour les journalistes. Ils restent par ailleurs évidemment soumis au droit commun et pourront être poursuivis comme aujourd'hui en diffamation, pour injure, atteinte à la vie privée ou à la présomption d'innocence, qui forment l'essentiel des condamnations.
Avec ce projet, la chancellerie n'a pas créé un nouveau délit d'atteinte aux sources, mais une circonstance aggravante au code pénal qui réprime les violations de domicile et les atteintes au secret des correspondances, notamment lorsqu'elles sont commises par une autorité publique. Non seulement la procédure courra un sérieux risque d'annulation, mais l'amende sera portée de 45 000 euros à 75 000 euros pour les perquisitions illégales et de 15 000 euros à 30 000 euros pour le viol des correspondances.
Autre petite révolution, le texte autorise les journalistes à accompagner en prison les parlementaires, qui sont autorisés à s'y rendre par la loi du 15 juin 2000. Cela ne concerne pas les centres de rétention ou les locaux de garde à vue, dépendants du ministère de l'intérieur. Mais la place Vendôme espère que le Parlement y ajoutera ces lieux de privation de liberté.
Franck Johannès