Les preuves s'accumulent contre Bernard Tapie
Publié le 25 Novembre 2013
Décidément, les preuves s'accumulent pour démontrer l'escroquerie liée à l'affaire Tapie. Mieux, comme il y a eu, sans aucun doute, collusion de l'Etat par l'intermédiaire de son président et d'une Ministre de l'Economie, on peut parler de trahison envers le citoyen !
En effet, Sarkozy a abusé de sa fonction pour rétribuer M. Tapie avec les deniers du citoyen : cela s'appelle une trahison.
M. Sarkozy et Mme Lagarde devront être traduits devant la justice pour ces états de fait.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 30 Juillet 2013
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Affaire Tapie : les courriers qui révèlent l'escroquerie
Les juges pensent avoir trouvé des documents prouvant que l'arbitrage Adidas était truqué, et ont saisi des lettres adressées aux proches de Nicolas Sarkozy
Les trois juges parisiens chargés d'enquêter sur l'arbitrage Tapie pensent enfin tenir les documents susceptibles d'étayer leurs soupçons d'" escroquerie en bande organisée " dans l'affaire Adidas. Il s'agit de deux lettres, rédigées par l'avocat de Bernard Tapie, Me Maurice Lantourne, et adressées les 5 et 12 septembre 2006 à... Pierre Estoup, celui-là même qui allait, quelques mois plus tard, signer une déclaration d'indépendance et rédiger dans sa quasi-globalité la sentence arbitrale accordant 405 millions d'euros à M. Tapie, le 7 juillet 2008.
Dans ces courriers, dont Le Monde a eu connaissance, il est exclusivement question du conflit entre Bernard Tapie et le Crédit lyonnais, lié à la vente d'Adidas. Or, ces deux hommes, financièrement intéressés au résultat de l'arbitrage Tapie - Me Lantourne a perçu 2,5 millions d'euros d'honoraires, et M. Estoup, près de 300 000 euros pour son rôle d'arbitre -, avaient pourtant assuré aux enquêteurs ne jamais avoir abordé ce sujet avant l'arbitrage.
Pour obtenir ces documents cruciaux, les juges Serge Tournaire, Guillaume Daïeff et Claire Thépaut se sont rendus en perquisition, à trois reprises, les 3, 4 et 8 juillet, au cabinet d'avocats Fried Frank, dans le 8e arrondissement de Paris. Me Maurice Lantourne, le conseil de Bernard Tapie, y a travaillé de 2006 à 2009. Or l'arbitrage a été évoqué officiellement le 30 janvier 2007, pour se conclure, le 7 juillet 2008, par la sentence controversée. Les juges se sont fait remettre les courriers internes, fiches de travail et autres courriels de cette période, ayant trait à l'affaire Tapie.
La saisie a été contestée par le délégué du bâtonnier de Paris, et il a fallu qu'une juge des libertés et de la détention, la vice-présidente Annie Rochet, se prononce sur la possibilité de verser ces pièces en procédure. Le 12 juillet, dans une ordonnance détaillée, la juge Rochet a donné raison aux magistrats. Elle cite notamment le " document 45, une lettre de Me Lantourne à M. Estoup datée du 12 septembre 2006. (...) Elle est en contradiction avec les déclarations des intéressés relatives à leurs liens. " Effectivement, le 6 novembre 2008, déjà suspecté d'avoir eu des relations commerciales avec Me Lantourne, M. Estoup avait dû s'expliquer auprès des conseils du Consortium de réalisation (CDR), la structure chargée de gérer le passif du Crédit lyonnais.
M. Estoup encourait une possible récusation, et Bercy s'interrogeait alors sur un éventuel recours contre la sentence. Il avait simplement admis avoir participé avec Me Lantourne à trois arbitrages déjà anciens, entre 1999 à 2002. Il avait ajouté : " Je n'ai délivré aucune consultation, aucun avis, ni reçu aucune note dans le dossier faisant l'objet du présent arbitrage. " Il a aussi assuré, le 19 décembre 2012, devant la Cour de justice de la République, qui examine le rôle de l'ex-ministre de l'économie, Christine Lagarde, dans cette affaire : " Je n'ai jamais eu l'occasion de connaître de contentieux ayant pu intéresser Bernard Tapie. " Le 8 octobre 2008, pour sa part, Me Lantourne avait écrit au CDR : " Je n'ai jamais consulté M. Estoup... " L'affaire s'était arrêtée là.
Depuis, les magistrats ont établi que les deux hommes avaient travaillé sur les mêmes dossiers à au moins neuf reprises, et pas trois. Et voilà maintenant que les juges disposent de ces fameux courriers de septembre 2006. Car dès le 5 septembre 2006, Me Lantourne écrit à Pierre Estoup. La lettre porte comme référence " Aff. BT ". Il joint à cette missive toutes les pièces essentielles afférentes au conflit Tapie/Crédit lyonnais. Le 8 septembre 2006, comme l'atteste l'agenda de l'avocat, il rencontre M. Estoup. Avec cette mention : " Quid dossier ". A l'époque, selon ses propres dires, il est pourtant censé ne plus travailler avec le futur arbitre depuis quatre ans.
Une semaine plus tard, le 12 septembre 2006, il s'adresse donc à nouveau à Pierre Estoup, cette fois pour lui adresser une note rédigée par ses soins et relative à l'affaire Tapie. Il y souligne qu'" il paraît aujourd'hui opportun de mettre un terme à la liquidation judiciaire " et assure que les " fautes commises par le CDR et le Crédit lyonnais sont extrêmement graves ".
Les juges n'ont plus guère de doute : pour eux, les deux hommes ont partie liée. Une conviction renforcée par une autre découverte, issue elle aussi de la perquisition. Le 1er octobre 2004, un confrère de Me Lantourne lui demande, en vue d'organiser une réception, une liste de ses invités personnels. Me Lantourne transmet en retour, le 8 octobre, un listing d'une vingtaine de personnes qu'il souhaite voir conviées. Parmi celles-ci... MM. Tapie et Estoup. La juge Rochet en conclut que l'" on peut y apprendre que B. Tapie et P. Estoup étaient invités à la même réception ". Quatre ans avant l'arbitrage. Et six ans après l'intrigante dédicace adressée en 1998 par M. Tapie à M. Estoup : " Votre soutien a changé le cours de mon destin... "
Mais les enquêteurs s'intéressent aussi à un deuxième arbitre de l'affaire Tapie, l'avocat Jean-Denis Bredin. La juge Rochet note d'ailleurs dans son ordonnance : " On peut s'interroger sur la neutralité de JD Bredin. " C'est que Me Lantourne a également adressé des courriers à son confrère, et ce bien avant qu'il ne soit désigné arbitre. Egalement référencée " Aff. BT. ", une missive est rédigée le 25 avril 2006. Suivie d'une autre, le 29 septembre 2006, où Me Lantourne, à la demande de M. Tapie, transmet à Me Bredin le " projet d'avis de M. Lafortune, avocat général à la Cour de cassation ". Comment le camp Tapie a-t-il eu connaissance de ce qui n'est encore qu'un " projet ", rédigé par le magistrat Maurice Lafortune, le concernant ? La Cour de cassation se prononcera en octobre 2006, son arrêt faisant repartir la procédure de zéro.
Longuement interrogé le 3 juin, notamment sur l'activisme de Me Lantourne, Me Bredin s'en est pris à M. Estoup, à qui il avait pourtant consacré une dédicace l'assurant de ses " très fidèles amitiés ". " Le comportement de M. Estoup dans ses relations avec Me Lantourne et Bernard Tapie n'est pas normal ", a-t-il dit. S'il n'a aucun souvenir des courriers que lui a adressés Me Lantourne, il se rappelle en revanche des conditions dans lesquelles fut rédigée la sentence. M. Estoup, dont il juge les avis " partiaux ", a " fait la rédaction du travail préparatoire de la sentence dans sa quasi-totalité ". Pierre Mazeaud, le président ? " Il a fait ses observations, mais oralement. " Et ce fameux " préjudice moral ", soit les 45 millions d'euros accordés au couple Tapie ? Il se souvient que l'un des arbitres " trouvait que cela n'était pas assez ". " M. Estoup ? ", risquent les policiers. " Oui ", répond Me Bredin.
Sollicité par Le Monde, M. Estoup n'a pas souhaité s'exprimer. M. Lantourne, quant à lui, a appelé à " la plus grande prudence sur les documents saisis, qui ne sont parfois que des projets de lettres. Par ailleurs, je maintiens n'avoir jamais demandé à M. Estoup de travailler en 2006 sur ce dossier. "
Gérard Davet et Fabrice Lhomme