Ne livrons pas des prisonniers pour avoir des débouchés économiques
Publié le 21 Août 2014
De deux choses l'une :
- Ou bien ce Monsieur a commis des faits illégaux, allant à l'encontre de l'intérêt général des habitants de son pays. Alors, à ce moment là, la France peut extrader cette personne. Bien entendu, cette extradition ne pourra se faire que contre des preuves irréfutables des faits qui lui sont reprochés.
- Ou bien ce Monsieur n'a pas commis de faits illégaux ou les charges ne sont pas prouvés. A ce moment, la France ne doit pas livrer cet homme au pays concerné.
C'est une solution, ou l'autre. Il ne doit pas exister de solutions consistant à dire que l'on peut extrader un homme vers un pays qui aura souscrit des accords commerciaux avec la France. Ce n'est pas cela la Démocratie, ce n'est pas cela, la France.
Dans cet article, on n'a pas de révélations de preuves, de charges à l'encontre de cet homme.
Il ne doit donc pas être extradé.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 10 Août 2013
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L'oligarque kazakh dont l'arrestation embarrasse Paris
Moukhtar Abliazov, opposant au pouvoir à Astana, a été interpellé par la police française le 31 juillet
Les villas cossues des hauteurs de Mouans-Sartroux, près de Grasse, avaient rarement vu tel déploiement de force : mercredi 31 juillet, une vingtaine d'hommes de la brigade d'intervention de la police judiciaire (PJ) de Nice, appuyés par un hélicoptère, procèdent à l'interpellation de Moukhtar Abliazov, 50 ans. En arrêtant l'oligarque kazakh, devenu un opposant au président Noursoultan Nazarbaïev, la PJ met fin à un an de cavale entre la Grande-Bretagne, l'Italie et la France.
Voilà Paris confronté à son tour à un dossier épineux. Au mois de mai, l'Italie s'était illustrée par sa gestion désastreuse du " cas Abliazov ". Rome n'avait pas jugé nécessaire de suivre la procédure légale, parant au plus pressé. Le 31 mai, la police italienne avait, en collaboration avec les autorités kazakhes, arrêté l'épouse et la fille de M. Abliazov avant de les renvoyer, soixante-douze heures plus tard, vers Astana, la capitale kazakhe. La révélation de l'affaire, dans la presse, avait ouvert une crise politique et conduit à la démission du directeur de cabinet du ministre de l'intérieur italien. En juillet, le premier ministre, Enrico Letta, a ordonné l'ouverture d'une enquête, qui déterminera peut-être si les bonnes relations entre le président Nazarbaïev et le ministre de l'intérieur Angelino Alfano ont pesé. Les deux pays ont par ailleurs des intérêts communs dans le gaz.
En France, l'interpellation de l'oligarque répond aux mandats d'arrêt émis en 2009 par Interpol, sur demandes de l'Ukraine et du Kazakhstan - " une procédure automatique ", explique-t-on au parquet d'Aix-en-Provence. Kiev indique rechercher l'ancien banquier kazakh pour des faits d'" escroquerie " et la production de " faux documents ", Astana ne mentionne aucun motif judiciaire. En l'absence de convention d'extradition, Astana ne pourra pas réclamer à Paris le renvoi de son ressortissant.
Reste l'Ukraine, qui dispose d'une convention d'entraide judiciaire avec la France, mais devra prouver aux autorités françaises le bien-fondé des faits reprochés. " Il faudra également garantir qu'une fois sur place il ne sera pas remis au Kazakhstan, où il risquerait d'être torturé ", avertit Amnesty International, qui, comme Human Rights Watch, s'inquiète du sort de l'opposant.
Parallèlement aux procédures initiées par Astana et Kiev, M. Abliazov est visé au Royaume-Uni par des poursuites engagées par la banque BTA, propriété de l'Etat kazakh. Ancien dirigeant de cet établissement, l'opposant est soupçonné d'avoir détourné 5 milliards de dollars (3,7 milliards d'euros) au moment de sa nationalisation en 2009. Faut-il voir derrière l'arrestation de M. Abliazov en France un nouvel épisode du règlement de comptes qui l'oppose depuis plus de dix ans au président Nazarbaïev, dont il fut longtemps un proche ?
Un danger pour le président
Ancien ministre de l'énergie, cet ingénieur nucléaire de formation avait profité de l'éclatement de l'Union soviétique pour se lancer dans les filières du sucre, du coton puis des télécommunications. Mais son enrichissement rapide et surtout sa décision de jouer un rôle sur la scène politique ont fini par représenter un danger pour le président, à la tête du pays depuis 1989.
En 2002, il est emprisonné et torturé. Les autorités kazakhes conditionnent la libération de l'oligarque à son silence et à son retrait de la vie politique. En 2005, il siège à la tête du conseil d'administration de la banque privée BTA et participe à son redressement. Quatre ans plus tard, après s'être élevé contre la nationalisation forcée de l'établissement, il quitte le pays par crainte des représailles et atterrit à Londres avec sa famille, où il obtient l'asile. " Le régime enverra ses légionnaires diplomatiques pour frapper à la porte de tous les Etats, comme en Italie ou en Espagne ", où son garde du corps a été arrêté, s'inquiète Madina, la fille aînée de l'ex-banquier, de passage à Paris mercredi 7 août. En Italie, la police s'est appuyée sur les recherches d'une société de renseignement privée israélienne pour localiser la famille Abliazov.
Côté français, le flou entoure toujours les conditions qui ont mené à l'arrestation de l'ex-banquier. Le 1er août, BTA indiquait avoir aidé les autorités françaises à localiser l'opposant. Un point que le ministère de l'intérieur n'a pas souhaité commenter. Ceux de la justice et des affaires étrangères n'ont pas non plus souhaité s'exprimer sur une éventuelle extradition.
L'affaire Abliazov survient alors que les relations diplomatiques sont au beau fixe entre Paris et Astana, renforcées ces dernières années par la signature de contrats importants - Areva et Alstom, notamment, ont récemment annoncé des investissements sur le sol kazakh - et symbolisées par l'organisation en 2013 de la " saison de la France au Kazakhstan ".
Alicia Bourabaâ