Pas d'amnistie : les entraves à la Loi doivent être payées
Publié le 18 Juin 2013
Nous vivons dans un pays où la justice est indépendante (...ou doit l'être...). Ainsi, il est hors de question de voter quelque mesure d'amnistie, quelle qu'elle soit. Si amnistie il doit y avoir, elle doit relever du pouvoir judiciaire par un acquittement, non du pouvoir législatif.
Ce n'est pas parce que l'on est un syndicaliste que l'on doit être au dessus des lois. Les lois sont faites pour servir l'intérêt général, c'est à dire l'intérêt des salariés, mais aussi l'intérêt de tout citoyen vivant dans notre pays.
Il ne doit pas y avoir d'exception en votant des lois d'amnistie. Ou bien la Loi est mauvaise et l'on l'annule, ou bien le juge considère que l'acte syndicaliste n'entrave pas l'intérêt général et l'acte ne donne pas lieu à poursuite, ou bien l'on poursuit. Mais il ne peut être question d'une loi d'amnistie votée par le pouvoir législatif car celà va à l'encontre de l'indépendance du pouvoir judiciaire en la matière.
Nos politiques seraient bien aise de se souvenir des règles de séparation des pouvoirs régissant notre pays.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 16 Mars 2013
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Amnistie sociale : les cafouillages du Sénat
En l'état, le texte blanchit les délits financiers. La gauche promet de corriger cette erreur
La proposition de loi d'amnistie sociale adoptée par le Sénat le 27 février sème une jolie pagaille. A l'origine, ce texte visait à absoudre les infractions commises lors de mouvements revendicatifs. Mais les dispositions votées par les sénateurs lui donnent une portée plus large et permettent, en l'état, de blanchir les délits financiers reprochés à des syndicalistes, comme l'a écrit Le Canard enchaîné, dans son édition du 12 mars.
Dans sa version initiale, cette proposition de loi, déposée par le groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC), cherchait à amnistier des faits, passibles de moins de dix ans de prison, survenus lors d'actions revendicatives engagées par des salariés, des agriculteurs, des fonctionnaires et des professions libérales. Etaient aussi concernés tous ceux qui défendent des causes liées au logement, au droit des migrants, etc.
Les sénateurs socialistes, trouvant que le texte était trop large, ont souhaité le recentrer sur des violations à la loi moins nombreuses et moins graves. Leur but était de restreindre l'amnistie aux atteintes aux biens dans le cadre de conflits du travail ou de manifestations en faveur des mal-logés.
L'article 1er de la proposition de loi, qui délimite le périmètre de l'amnistie, a donc été profondément modifié lors des débats. Un amendement du groupe PS, adopté en séance, a précisé que les infractions susceptibles d'être pardonnées étaient celles inscrites dans le livre III du code pénal, à condition qu'elles soient passibles de moins de cinq ans de prison. Or, ce passage du code pénal, relatif aux " crimes et délits contre les biens ", couvre un champ très étendu : destructions, dégradations, vols, extorsions mais aussi escroqueries, blanchiments et détournements.
La majorité sénatoriale certifie qu'elle ne visait que certains débordements ayant émaillé des manifestations ou des grèves. Mais tel qu'il est rédigé, l'article 1er accorde le bénéfice de l'amnistie " à l'occasion d'activités syndicales ou revendicatives " - c'est-à-dire lors de mouvements sociaux mais aussi dans un cadre plus ordinaire (comme siéger dans un comité d'entreprise).
Cet écueil aurait pu être évité si l'article 1er avait retenu comme formulation " activités syndicales ET revendicatives " (qui figure d'ailleurs dans l'intitulé du chapitre 1er du texte). Dans cette hypothèse, l'amnistie ne joue que si les faits se sont produits lors d'événements cumulant les deux critères : être à l'initiative d'un syndicat et porter une revendication.
Cette faille n'a pas échappé à l'association Sauvegarde retraites, d'inspiration très libérale. C'est elle qui l'a relevée la première sur son site Internet. Elle en conclut que " les délits financiers commis par les syndicalistes au sein des comités d'entreprise des entreprises publiques (EDF, SNCF...) (...) pourraient bénéficier de cette loi d'amnistie ". Cette affirmation est discutable dans la mesure où le texte absout les infractions survenues entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013. Or, les affaires évoquées par Sauvegarde retraites portent sur des faits qui se sont produits, en totalité ou en partie, avant la période couverte par le texte.
" On rectifiera le tir "
" Notre intention n'était absolument pas d'amnistier les détournements de fonds, assure Eliane Assassi, présidente du groupe CRC. S'il y a une erreur, on rectifiera le tir. " La sénatrice (PS, Ille-et-Vilaine) Virginie Klès, à l'origine de l'amendement incriminé, dit aussi : " Il n'y a eu aucune volonté de blanchir les détournements d'argent, au contraire. " Elle reconnaît ne pas avoir vérifié ce que contenait le livre III du code pénal. " Le texte a été modifié trois fois en une semaine, se justifie-t-elle. Il y a des petites choses qui nous échappent et qui sont susceptibles d'ouvrir des failles. " " Nous amenderons le texte à la faveur de la navette parlementaire ", souligne Jean-Pierre Sueur, président (PS) de la commission des lois. En principe, la proposition de loi doit être débattue à l'Assemblée nationale en mai. L'occasion de corriger un ratage qui fait désordre.
Raphaëlle Besse Desmoulières et Bertrand Bissuel