Quand les Suisses donnent une leçon démocratique aux Français
Publié le 29 Mai 2013
Je n'ai jamais été fan de cet engouement très Suisse pour l'argent et pour le secret bancaire qui s'y rattache. Mais force est de constater que la Suisse a donné une belle leçon de démocratie à la France en organisant un référendum sur la rémunération de ses grands patrons.
Il est vrai qu'en France, l'arme du référendum n'est pas assez utilisé. Il en va tout autrement en Suisse où tous les prétextes sont bons pour inclure le citoyen dans des prises de décision où l'intérêt général doit primer.
La France serait bien avisée de s'en inspirer.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 5 Mars 2013
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Les Suisses votent contre les " rémunérations abusives " des patrons
Les actionnaires auront un droit de veto sur les salaires des dirigeants des sociétés cotées
Genève Correspondance
C'est une petite révolution en Suisse, pays traditionnellement acquis au libéralisme économique. Dimanche 3 mars, 67,9 % des électeurs, ainsi que tous les cantons, ont dit oui à l'initiative " contre les rémunérations abusives ". Un texte qui renforce le pouvoir des actionnaires au sein des entreprises cotées, afin d'empêcher les grands patrons de ces sociétés de s'octroyer d'exorbitants salaires ou parachutes dorés.
La constitution de la Confédération helvétique sera complétée d'un article, obligeant l'assemblée générale des firmes concernées (260 sociétés anonymes) à voter, chaque année, la somme globale des rémunérations du conseil d'administration et de la direction. Indemnités de départ et primes pour des achats ou des ventes d'entreprises seront interdites.
En cas de violation, les managers s'exposent à une peine de prison de trois ans ou à une amende pouvant atteindre six fois la rémunération annuelle. Le texte surpasse les normes internationales.
Thomas Minder, le père de cette initiative, a jugé " extraordinaire " que les Suisses aient envoyé " un signal fort aux conseils d'administration ". Patron de Trybol, société de cosmétiques, élu du Conseil des Etats (Sénat), ce quinquagénaire se bat depuis 2008 pour mettre fin au " self-service dans les rémunérations des grands patrons. " En 2001, il avait été ulcéré par la prime de bienvenue (golden hello) de 12,5 millions de francs suisses (10 millions d'euros) qu'avait touchée Mario Corti en prenant la tête de Swissair, six mois avant la faillite de la compagnie aérienne.
Les milieux économiques ont tenté de lui barrer la route, déboursant 8 millions de francs suisses pour combattre un texte jugé trop " rigide ", brandissant la menace de cantons désertés par les multinationales. Un contre-projet, reprenant un bon tiers des exigences de l'" initiative Minder ", a été concocté par le Parlement, et soutenu par le Conseil fédéral (gouvernement). Les Suisses ont préféré l'original.
Le tollé Novartis
Mais deux semaines avant le scrutin, un épisode a fait pencher la balance : les 72 millions de francs suisses que Daniel Vasella, directeur démissionnaire du groupe pharmaceutique Novartis, s'apprêtait à toucher en guise de clause de non-concurrence. Devant le tollé, le patron le mieux payé de Suisse a dû y renoncer.
Le gouvernement doit maintenant rédiger un projet de loi, puis le faire approuver par le Parlement, ce qui pourrait prendre plus d'un an. En attendant, le Parti socialiste veut soulever la question d'un impôt sur les bonus ; et les jeunes socialistes ont lancé une initiative, baptisée " 1:12 ", afin de limiter l'écart entre bas et hauts salaires de 1 à 12.
M. Minder, élu sous une étiquette indépendante, mais affilié au groupe parlementaire UDC (droite populiste), a demandé à son comité de campagne d'avoir la victoire modeste, afin de " ne pas donner l'image d'une Suisse qui jette à la mer tous ses managers ".
Agathe Duparc