Quand un sponsor s'attaque au dopage
Publié le 6 Septembre 2013
La position de l'UCI n'a pas dupé tout le monde. En tout cas, elle n'a pas dupé Skins qui va réclamer devant les tribunaux un manque à gagner lié à la couverture présumée de l'UCI sur Lance Armstrong. C'est vrai qu'il est devenu évident que le cycliste a eu des soutiens de cette institution. L'UCI va devoir passer à la caisse et ce n'est pas un mal. Greg Lemond est candidat à la présidence de l'UCI est c'est plutôt une bonne chose sur le papier car ce Monsieur jouit d'une réputation intègre dans le milieu du cyclisme.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 27 Novembre 2012
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CYCLISME
Un sponsor mène la fronde contre l'UCI
L'équipementier Skins attaque l'Union cycliste internationale qu'elle tient responsable de la culture du dopage
L'Union cycliste internationale (UCI) n'en a pas fini avec Lance Armstrong. En lâchant le Texan, c'est-à-dire en lui retirant ses sept titres du Tour de France sous la pression de l'Agence américaine antidopage (Usada), l'UCI pensait être tirée d'affaire. Las ! Skins, une société australienne présente dans le peloton depuis 2008, vient d'entamer une procédure judiciaire à l'encontre de la fédération. Une première dans l'histoire de la petite reine.
Spécialisée dans les vêtements de compression (maillots, shorts, collants...), Skins équipe et sponsorise plusieurs équipes (la formation Europcar du Français Thomas Voeckler ou les Néerlandais de Rabobank qui viennent de raccrocher) et fédérations nationales (Australie, Nouvelle-Zélande, Etats-Unis).
L'avocat suisse de Skins, Cédric Aguet, a ouvert les hostilités le 2 novembre en adressant trois courriers recommandés à l'UCI - dont le siège est à Aigle, en Suisse -, au président de la fédération, Pat McQuaid, et à son prédécesseur, Hein Verbruggen. " La manière dont l'UCI, Henricus Verbruggen et Patrick McQuaid ont organisé la lutte antidopage, communiqué en la matière puis géré le cas Lance Armstrong est la cause principale de la perte totale de confiance du public dans le cyclisme professionnel, ce dont Skins fait les frais, comme tout sponsor et équipementier ", écrit Me Aguet.
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" Dès lors, c'est à raison des actes et omissions de l'UCI, de Henricus Verbruggen respectivement de Patrick McQuaid que Skins a subi un préjudice, lequel excède 2 millions de dollars, somme dont elle entend solliciter le paiement par la voie judiciaire ", poursuit l'avocat.
Selon nos informations, le conseil de Skins a envoyé un deuxième courrier, le 21 novembre, à Jean-Marc Reymond, l'avocat mandaté par l'UCI et ses deux dirigeants pour les défendre, afin de lui demander si ses clients acceptaient de renoncer à la procédure de conciliation, prévue par le droit suisse avant une plainte au civil. " Il n'est pas renoncé à la procédure de conciliation ", répond le lendemain Me Reymond dans un courrier dont Le Monde a pris connaissance. Dans la missive, l'avocat demande à son collègue de lui préciser le " fondement juridique de la prétendue créance invoquée au nom de Skins et le calcul conduisant à un dommage de 2 millions de dollars " avant de menacer de poursuites " sur les plans civil et pénal, contre votre cliente en particulier, si les accusations infondées étaient réitérées et diffusées ".
Une réaction qui fait dire à l'avocat de Skins que l'" on va au-devant d'une bagarre musclée " mais qui n'effraie pas son patron, Jaimie Fuller. " Je veux aller au bout de ma démarche car tout l'enjeu de cette procédure est de faire jurisprudence bien au-delà du cyclisme, explique au Monde le président australien de Skins. On est la première compagnie à attaquer une fédération. Les fédérations ne peuvent plus jouir d'une totale impunité et doivent être tenues responsables des agissements antisportifs qui s'opèrent sous leur nez. "
Mais pourquoi Skins a-t-elle attendu le rapport de l'Usada pour demander des comptes à l'UCI ? " Lorsque nous nous sommes engagés dans le vélo, il y a cinq ans, nous savions bien évidemment qu'il y avait du dopage, mais nous ne pensions pas qu'il y avait un tel niveau de corruption comme l'a révélé le rapport de l'Usada ", justifie Jaimie Fuller.
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Dans son rapport du 10 octobre, l'Usada laissait entendre que les autorités du cyclisme avait au mieux fermé les yeux, au pire était complice du " programme de dopage le plus perfectionné, le plus professionnel et le plus efficace jamais vu dans le sport ". Deux semaines après, Pat McQuaid effaçait Lance Armstrong des tablettes et annonçait la tenue d'une " commission indépendante ".
Le patron de Skins ne croit pas du tout à la capacité de la fédération à se réformer : " Pat McQuaid et Hein Verbruggen sont à la tête de l'UCI depuis vingt-deux ans. Ils sont directement responsables de cette culture du déni. Dans n'importe quelle société privée, ils auraient pris la seule décision qui s'imposait après le rapport de l'Usada : démissionner. "
Jaimie Fuller assure, lui, que " Skins n'a aucun intérêt commercial " dans cette procédure et que si l'UCI était in fine condamnée à lui verser les 2 millions de dollars, il les investirait pour " assainir le cyclisme " en " commençant par confier les contrôles antidopage aux agences indépendantes pour éviter les conflits d'intérêt avec les fédérations ".
" C'est le moment de tout mettre sur la table, estime l'Australien. Mon objectif est de donner au cyclisme l'opportunité de prendre un nouveau départ. " Ce " nouveau départ " pourrait être donné de Londres. Selon nos informations, la capitale britannique devrait accueillir, les 2 et 3 décembre, à l'initiative de Skins, un rassemblement des personnalités les plus en pointe dans la lutte antidopage : le patron de l'Usada, Travis Tygart, le directeur général de l'agence mondiale antidopage, David Howman, le spécialiste mondial du dopage sanguin, le professeur Michael Ashenden, le triple vainqueur du Tour de France, Greg LeMond ou encore le manageur de l'équipe Garmin et ancien équipier de Lance Armstrong, Jonathan Vaughters.
Le rassemblement devrait se conclure par le lancement d'une pétition pour " changer le cyclisme maintenant ".
Stéphane Mandard et Emmanuel Versace