Réformer nos politiques d'éducation en France 5/5
Publié le 10 Décembre 2014
Le poids des syndicats est une plaie pour notre système éducatif. Cette plaie, tout le monde la paie :
- Le contribuable par les coûts monstrueux qu'elle engendre
- Nos élèves par leur faible niveau mondial
En clair, notre système est à la fois coûteux et inefficace... mais il perdure car les syndicats se sont toujours opposés au changement...
On dénonce cette situation aujourd'hui : de même que le Français travaille moins, le futur contributeur aux forces vives de la Nation passe moins de temps sur les bancs de l'école.
Comment avec cette situation augmenter la compétitivité de la France ? On ne pourra pas compter sur Najat Vallaud-Belkacem qui a autant de poigne qu'un bulot cuit, pour affirmer la prérogative du respect des élèves devant la force syndicale de nos professeurs. Pour certains d'entre eux, la situation est enviable : quand l'éducation Nationale est en échec, certains en profitent pour filer des cours du soir et pour pouvoir profiter le l'incompétence de leurs collègues - quand il ne s'agit pas de la sienne - pour arrondir leur fin de mois aux frais du contribuable...
Il faut de la poigne à la tête de l'état pour remettre l'intérêt général au coeur du système éducatif Français. Pour l'instant, il n'y a rien...
Un article du journal 'Le Monde' daté du 3 Septembre 2014
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FRANCE | CHRONIQUE
La première dompteuse de mammouth
Certains ont tenté de l'amadouer, d'autres ont préféré le laisser ruminer à sa guise, de rares imprudents ont cru possible de l'aiguillonner. Tous en ont été, peu ou prou, pour leurs frais. Le gros mammifère préhistorique auquel Claude Allègre avait, en 1997, comparé l'éducation nationale poursuit son chemin.
Le mammouth, puisque c'est de lui qu'il s'agit, est d'une placidité à toute épreuve. Fort de ses 12 millions d'élèves, de ses 840 000 enseignants, de ses 48 000 écoles, de ses 8 000 collèges et lycées, enfin de ses 64 milliards d'euros de budget (sans compter l'enseignement supérieur), l'animal est remarquablement indifférent aux changements climatiques, aux injonctions politiques et, plus encore, à la valse des cornacs qui lui sont proposés.
Il est vrai qu'il en a vu d'autres. Voilà deux ans, Vincent Peillon était arrivé rue de Grenelle avec l'ambition de " refonder l'école ". Rien de moins. Il fit d'ailleurs voter une loi d'orientation et de programmation qui traçait le cadre de cette reconstruction. En avril, Manuel Valls a remercié ce ministre jugé trop impétueux – ou maladroit – et chargé Benoît Hamon de calmer la bête. Il s'y employa sans barguigner, défaisant ou différant ce que son prédécesseur avait engagé, jusqu'à ce fatidique 24 août où il cassa bêtement son beau jouet ministériel pour le plaisir d'une bravade dominicale. Le lendemain, il était débarqué du gouvernement.
Voilà donc pour la première fois une femme, Najat Vallaud-Belkacem, chargée de dompter le mammouth. Sans autre expérience, à 36 ans, que son parcours météorique d'élève modèle, souriante et disciplinée. Mais avec, du moins l'espère-t-on, une claire conscience des enjeux, tant le monde de l'éducation est propice aux controverses accessoires.
Il en est ainsi de la polémique sur les rythmes scolaires. M. Peillon en avait fait le socle de la rénovation : en rétablissant une semaine de quatre jours et demi à l'école – au lieu des quatre jours décrétés par le gouvernement Fillon en 2008 –, il entendait restaurer un temps d'apprentissage mieux adapté au rythme des élèves. Prônée par tous les spécialistes, l'initiative semblait consensuelle, d'autant qu'elle ne s'attaquait pas aux sacro-saintes vacances scolaires, dont chacun sait qu'elles sont une des clefs du problème.
En réalité, cela a mis le feu aux poudres. Chacun s'est insurgé : les enseignants, dont le temps de service n'est pas modifié mais qui perdent le bénéfice du mercredi sans classe ; les parents, bousculés dans leur organisation ; les municipalités, invitées à mettre en place des activités périscolaires d'accompagnement et rechignant, refusant ou réclamant des compensations financières.
Lancée en septembre 2013 et généralisée cette année, la réforme continue d'empoisonner la rentrée. Et de paralyser d'autres chantiers, et non des moindres, comme la réforme du collège, la refonte des programmes, la rénovation de la pédagogie ou le statut des enseignants.
" Munich pédagogique "
Pendant que chacun s'écharpe sur l'organisation de la semaine scolaire, personne ne semble plus se préoccuper de ce " formidable gâchis ", de ce " Munich pédagogique " dénoncé en vain dans ces colonnes, à plusieurs reprises, par le grand historien de l'éducation, Antoine Prost : entre 1968 et aujourd'hui, le nombre d'heures passées en classe, durant une année, par les écoliers français est tombé de 1 050 à 840. Soit une diminution de 20 % du temps effectif d'apprentissage. " Comment apprend-on plus et mieux en travaillant moins ? ", s'indignait M. Prost.
La réponse n'est pas un mystère. Elle tombe comme un verdict cinglant lorsque l'OCDE publie son rapport triennal sur les performances des systèmes éducatifs dans une soixantaine de pays du monde " développé ". Le dernier en date, en décembre 2013, était plus alarmant encore que les précédents.
D'une part, en effet, les résultats de l'école française – établis grâce à l'évaluation des compétences des élèves de 15 ans en compréhension de l'écrit, en mathématiques et en sciences – sont médiocres et régressent depuis une douzaine d'années. D'autre part, la France apparaît comme l'un des pays où l'origine des élèves pèse le plus lourdement sur leur réussite scolaire : l'écart ne cesse de se creuser entre les meilleurs élèves, les mieux dotés socialement, et les moins bons, qui " décrochent ".
Loin de les corriger, l'école dite républicaine ne fait qu'aggraver ces déterminismes : elle est inefficace et injuste, inefficace parce qu'injuste. Le résultat est déplorable et connu de tous : 15 % des élèves ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux à l'entrée au collège ; quelque 150 000 jeunes sont éjectés du système, chaque année, sans aucune formation de base et vont grossir les rangs des exclus de l'emploi et de la société.
Il n'y a pourtant pas de fatalité de l'échec. Les enquêtes PISA le démontrent : les systèmes scolaires les moins inégaux sont aussi les plus performants. Les Allemands, les Finlandais, les Polonais, d'autres encore, l'ont compris et ont engagé des réformes en profondeur ces dernières années, dont ils mesurent déjà les effets bénéfiques. Cela suppose que tous les acteurs – enseignants, syndicats, corporations disciplinaires, parents, élus locaux – sortent du chacun pour soi et de la défense acharnée d'un statu quo dévastateur. Tout démontre qu'on en est très loin. Tout démontre que c'est urgent, Madame la ministre, et la langue de bois n'y suffira pas.
par Gérard Courtois
courtois@lemonde.fr