S'occuper de nos malades précaires est une obligation
Publié le 10 Juin 2014
Il n'est pas normal de laisser sur la route nos personnes précaires, ceci, d'autant plus quand elles sont malades. Nous devons redonner de la dignité à ces personnes afin qu'elles puissent combattre leur état de précarité ainsi que leur maladie.
C'est une simple question de solidarité nationale. Un pays comme le nôtre ne peux s'en affranchir, ce, pour aucune raison.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 05 Février 2014
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TéMOIGNAGES
Malade et précaire, la double peine
Régis (tous les prénoms ont été changés), 54 ans, est musicien et a une dette de 6 800 euros. Cet intermittent du spectacle, père de deux enfants de 11 et 13 ans dont il s'occupe en garde partagée, a appris en septembre 2013 qu'il souffrait d'un cancer du poumon métastasé. Malgré ses 26 000 euros de salaire en 2012, il ne perçoit aujourd'hui aucune indemnité journalière. Il n'a donc aucune ressource et se retrouve menacé d'expulsion.
Son dossier était examiné, ce lundi 3 février, par la commission sociale du comité du Val-de-Marne de la Ligue contre le cancer, à Créteil. La Ligue a décidé de lui octroyer une aide de 700 euros – le montant de son loyer – qui sera versée au bailleur. " Il y a urgence à remettre à plat sa situation pour qu'il vive le moins mal possible ", explique Monique Laverluchere, qui préside cette commission sociale.
Régis fait partie de ces 15 000 malades (dont 13 000 femmes) qui ont travaillé en 2012 moins de 200 heures lors des trois mois précédant l'annonce de leur cancer. Et qui, de ce fait, ne bénéficient pas des indemnités journalières. " Ces règles sont d'un autre âge ", critiquent les participants de cette commission.
Une dizaine de dossiers sont ce jour-là sur la table. Quatre ont été rejetés parce que les certificats médicaux étaient falsifiés, explique le docteur Michel Martin, chef de service de radiothérapie et d'oncologie médicale du centre hospitalier intercommunal de Créteil et président du comité du Val-de-Marne de la Ligue contre le cancer.
Fin juillet 2013, lorsque Régine, 58 ans, divorcée, apprend qu'elle a un cancer du sein, elle ne peut poursuivre son emploi d'aide à domicile. Elle non plus ne bénéficie d'aucune indemnité journalière, n'ayant pas effectué un nombre d'heures suffisant chaque mois. Malgré son faible salaire, sa fille âgée de 20 ans prend en charge l'intégralité de ses dépenses courantes. Une aide de 258 euros est demandée… et sera accordée.
Aider à régler le loyer
" Cette dame devrait faire une demande de revenu de solidarité active et d'adulte handicapé ", explique Sylvie Gimenez, assistante sociale pour la Cramif (assurance-maladie d'Ile-de-France). " Bien souvent, ces personnes ont du mal à remplir les dossiers administratifs, souvent très compliqués, elles ne savent même pas à quoi elles ont droit, et doivent être aiguillées ", explique Mary-Régine Marion, vice-présidente du comité du Val-de-Marne.
Constat commun aux 103 comités de la Ligue, la précarité gagne du terrain, souvent chez des personnes qui étaient déjà en difficulté lorsque la maladie est arrivée, au chômage, et seules. Le nombre de familles demandeuses a augmenté de 9 % en 2013 par rapport à 2012, alors même que la crise pèse sur les dons. " Il y a quelques années, la Ligue aidait certaines malades pour le financement d'une perruque ; aujourd'hui, on doit aider à régler des loyers ou des factures EDF ", résume le professeur Jacqueline Godet, présidente de la Ligue contre le cancer. Autant d'inégalités qui génèrent de vraies pertes de chances pour l'avenir.
Commerciale dans le bâtiment, Catherine Kondracki, âgée de 50 ans, avait été licenciée six mois avant que son cancer ne survienne, en mars 2009. Elle perçoit aujourd'hui une pension d'invalidité, de 1 024 euros en janvier. " Je ne sais pas comment je vais faire ", se demande-t-elle. Malgré tous les effets secondaires de la maladie, " dont on ne parle pas ", cette femme élégante garde le cap. " On vous opère – en juin 2013 –, puis on vous lâche dans la nature ", regrette Marie-Claire Absalon, âgée de 53 ans, qui avoue : " Le traitement m'a fait vieillir de trente ans. "
" Je n'ai eu droit à rien ", dit Sonia, qui a appris en octobre 2010, à 37 ans, qu'elle avait un cancer du sein. Elle s'était lancée à son compte en tant que consultante indépendante deux ans auparavant. " Rien n'est coordonné, on ne vous informe en rien, il faut trouver soi-même les bonnes pistes ", lance Sonia. Elle n'a pas eu le choix, et doit continuer à travailler. Aujourd'hui, divorcée, mère de deux jeunes enfants, elle se bat et travaille d'arrache-pied, dort cinq heures par nuit et n'a pas pris de vacances depuis trois ans.
P. Sa.