Sapin saute de son immeuble du 13e étage et sourit : "Jusqu'ici tout va bien !"
Publié le 3 Février 2015
Jusqu'ici, tout va bien, donc Sapin est content. Il en faut peu pour être heureux quand on est ministre et quand on est un ministre incompétent. Le budget est en berne, le déficit de la France est au plus haut, le chômage aussi, la croissance est aux abonnées absentes, mais Sapin est content car Bruxelles ne lui tape pas encore sur les doigts.
Là où il se trompe, c'est qu'il croit qu'il a remplit le job. En fait, les bureaucrates Européens ne savent pas comment sanctionner un pays qui a l'aura de la France car elle a participé à la construction Européenne.
On est un peu dans la situation où le professeur doit sanctionner un cancre alors même que son Papa a été un grand ministre de l'éducation Nationale : on ne sait pas comment faire pour faire comprendre au cancre qu'il va falloir qu'il se mette à bosser et qu'il ne pourra pas toujours compter sur l'image de papa...
En attendant, la France s'enfonce toujours plus dans ses problèmes économiques et l'exécutif ne sait trouver que des mesurettes à présenter à Bruxelles : ça ne suffira pas, tout le monde le sait, sauf peut être ces incompétents de Hollande et Sapin...
Ils prennent la non-sanction comme une victoire. En fait, elle n'en est pas une car Bruxelles n'a pas lâché les armes et frappera à un moment donné si la situation du pays n'est pas redressée.
Sapin continue donc à chuter mais il ne le sait pas : "jusqu'ici tout va bien !"...
Un article du journal 'Le Monde' daté du 1er Novembre 2014
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Sapin ? Il est content !
Budget : Sapin repeint l'histoire en rose
Le ministre des finances assure que tout était sous contrôle dans les négociations avec Bruxelles
Dans l'avion qui l'amène à Berlin, mercredi 29 octobre, pour la signature d'un accord international sur l'échange automatique d'informations fiscales, Michel Sapin est tout sourire.La veille, le commissaire européen Jyrki Katainen a annoncé n'avoir pas relevé de " cas sérieux de non-conformité " parmi les budgets examinés par la Commission et que, en conséquence, aucun avis négatif ne sera émis. Le budget français a franchi le premier obstacle bruxellois. " Ce qui m'amuse, c'est que personne ne puisse imaginer que les choses puissent être à peu près maîtrisées, se rengorge le ministre des finances. Il faut forcément que tout ne soit que convulsions. "
A l'encontre de ceux qui, depuis des semaines, relataient le " bras de fer " entre la Commission et Paris et prédisaient un sort contraire au plan budgétaire établi par la France, M. Sapin raconte un film dont le scénario, à l'image de ses chaussettes, est teinté de rose et dont le dénouement aurait été quasiment écrit d'avance. " La Commission avait besoin d'une mise en scène. Nous avions besoin d'une mise en scène. Tout le monde savait à peu près sur quoi se jouerait l'acte final. On est exactement dans le timing prévu ", estime-t-il.
Premier épisode de ce feuilleton, la tribune publiée dans Le Monde daté du 15 août par le ministre des finances, qui s'ouvre par ces mots : " Mieux vaut assumer ce qui est plutôt que d'espérer ce qui ne sera pas. " M. Sapin y annonce qu'en 2014 la croissance en France devrait être de l'ordre de 0,5 % et qu'elle ne devrait pas excéder 1 % en 2015. Elle marque, de fait, le renoncement de la France à un objectif de réduction du déficit public jugé désormais inatteignable. En même temps, il appelle à une " réorientation " des politiques économiques européennes.
Diète " insoutenable "
Cette tribune, qu'il a rédigée depuis sa villégiature de l'île d'Yeu, a été soumise au président de la République et au premier ministre, et validée. Le ministre a aussi prévenu de sa parution le président de la Commission. Au-delà de l'enjeu budgétaire, la France veut alerter sur la fragilité de la zone euro, en proie à une croissance trop faible et une inflation trop basse, et faire progresser un diagnostic commun. Ce sera la ligne défendue par l'exécutif français.
Le projet de loi de finances est bâti sur les mêmes bases. Tout en affichant un objectif de réduction des dépenses publiques de 21 milliards d'euros, il ne prévoit qu'une diminution de 0,2 % du déficit structurel. " Insuffisant " aux yeux de Bruxelles tandis qu'en France une partie de la gauche juge " insoutenable " la diète à laquelle sont soumis l'Etat, les collectivités territoriales et la Sécurité sociale.
Comme à la veille de la parution de sa tribune, le ministre a pris soin de prévenir le futur président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le président de l'Eurogroupe, Jerœn Dijsselblœm, le commissaire à l'économie, Jyrki Katainen, et le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, des chiffres qu'il va annoncer en conférence de presse. " Je savais qu'il y aurait des difficultés, assume le ministre, mais nous savions aussi qu'il allait falloir gérer la phase d'atterrissage. "
Mais alors, pourquoi ne pas avoir, dès le départ, présenté un budget qui, au moins en apparence, présente un caractère plus " acceptable " par la Commission ? " Si j'avais posé dès le début les éléments de fin, je m'exposais à deux risques, analyse M. Sapin. Sur le front interne - comprendre : la gauche du PS - , qu'on nous dise “puisqu'il y a de l'argent, on peut dépenser plus” ; sur le front externe - européen - , qu'on nous en demande plus. Mais nous savions très bien, partant de là où nous étions, qu'en discutant avec la Commission nous devions trouver entre 3 et 4 milliards pour être dans les clous. J'ai préféré faire en sorte qu'on amasse des noisettes pour qu'on aboutisse à la fin de la discussion. "
Il va falloir, pendant deux mois, naviguer entre ces deux écueils. Avec parfois des moments d'irritation ou des coups de chaleur, notamment lorsque apparaît un " bug " de 2 milliards d'euros sur les économies en matière de protection sociale à cause de la faible inflation. " A ce moment-là, il y a eu quelques réunions sportives ", convient le ministre. Le dialogue est rythmé de coups de menton. Ainsi lorsque, de Washington, où est réuni le Fonds monétaire international (FMI), le président de l'Eurogroupe envoie une rafale de critiques à l'encontre de la France, accusée de ne pas avoir mis à profit les délais dont elle a déjà bénéficié et sommée de revoir son budget. " Là, ce n'est pas acceptable et nous le disons. La souveraineté budgétaire, elle existe, et elle s'exerce ", rappelle M. Sapin. A aucun moment, cependant, affirme-t-il, la discussion n'a menacé d'être rompue. " C'est un peu comme de la conduite sur glace. Quand vous voyez que ça risque de déraper, il faut corriger doucement la trajectoire, sans brusquer. "
A partir de l'envoi de la lettre de M. Katainen, le 21 octobre, demandant des clarifications à la France sur son projet de budget, les choses s'accélèrent. " Pendant le dernier week-end, il y a eu pas mal d'allers-retours entre les services - de Bercy et de la Commission - , pour être sûrs que, tout ce que nous mettions, eux l'acceptaient ", confirme le ministre. Jusqu'au lundi après-midi 27 octobre où M. Sapin passe par les agences de presse AFP et Reuters pour divulguer le contenu de la réponse française à la Commission.
Alertes sur les portables
Les éléments de la réduction supplémentaire du déficit de 3,6 milliards d'euros, pour arriver à l'ajustement structurel de 0,5 point comme le réclame la Commission, sont fournis. Cette réduction supplémentaire ne passe pas par des économies. Or, dans la précipitation, c'est ce qu'annoncent plusieurs médias. A Bercy, on est sens dessus dessous. François Hollande lui-même appelle M. Sapin pour lui demander de quoi il retourne. Il faut rattraper le coup. D'autant plus que les parlementaires ont déjà reçu les alertes sur leurs portables et que tombent les premières réactions accusant le gouvernement de s'être soumis aux injonctions de Bruxelles.
Passé cet ultime coup de chaud, la pression retombe et, dès le lendemain, au prix de ce bricolage de dernière minute qui permet à tous les acteurs de sauver la face, M. Katainen valide le budget français. " Tout le monde attendait la sanction de la France, l'humiliation, Canossa… Rien de tout cela n'est arrivé ", ironise le premier ministre, Manuel Valls, sur RTL.
A Bruxelles, la lecture de la séquence est toute différente. On s'étonne de la stratégie de la France. Pourquoi ne pas avoir accepté tout de suite le 0,5 point d'effort structurel ? " A cause de cela, la France s'est rétrogradée elle-même dans la catégorie des pays risquant d'être sanctionnés a priori sur leur budget, avant même qu'on parle du fond. C'est humiliant ", estime une source européenne.
Personne ne considère en tout cas que la France a marqué un point décisif contre la Commission européenne ; on juge au contraire qu'elle n'a franchi qu'une haie. " Et vu le ressentiment de certains à la Commission, qui estiment que l'institution a été, sur ce coup, trop laxiste, la partie s'annonce très difficile ", assure un bon connaisseur de Bruxelles. De fait, la négociation avec Paris va se poursuivre encore plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Prochain rendez-vous : la publication, avant la fin novembre, d'un avis circonstancié pour chaque pays de la zone euro. " Pour rédiger l'avis sur la France, on va aborder les sujets qui fâchent vraiment ", poursuit cette source.
Un calendrier serré, qui risque de cogner avec celui de la réflexion économique et politique sur la situation de la zone euro que la France, elle, voudrait voir aborder au plus vite. L'histoire n'est pas finie.
Cécile Ducourtieux (à Bruxelles) et Patrick Roger