Un jugement honteux qui fait fi de la planète
Publié le 25 Mars 2014
La planète Terre est la grande perdante de ce jugement honteux. L'Espagne ne s'est encore une fois pas grandie dans cette affaire. Après sa lâcheté dans les affaires de dopage, après son incompétence en matière économique, la voici donc en train de mettre un coup de poignard vengeur dans le dos de notre mère nourricière la Terre.
Que va donner comme image, que va donner comme action un tel jugement ? L'impunité, car il faut bien appeler les choses par leur nom, ne peut appeler qu'au recommencement permanent d'actions dont la nature paie les pots cassés. En tant qu'habitant de cette planète, nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis. Ce genre de comportement prouve que la race humaine sait être particulièrement imbécile quand il s'agit de prendre les mesures justes à la survie de notre espèce sur Terre.
Honteux !
Un article du journal 'Le Monde' daté du 15 Novembre 2013
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En Espagne, acquittement général au procès du naufrage du " Prestige "
Seul le commandant a été condamné pour " refus de remorquage ", et non pour un motif écologique
Madrid Correspondance
Aucun coupable. Onze ans jour pour jour après le SOS lancé par le Prestige, le pétrolier libérien battant pavillon des Bahamas qui fit naufrage en novembre 2002 au large de la Galice, en Espagne, déversant 63 000 tonnes de fuel et souillant 2 900 km de côtes espagnoles, portugaises et françaises, le tribunal de justice de Galice a rendu son jugement mercredi 13 novembre.
Les trois prévenus, le commandant grec Apostolos Mangouras, le chef des machines, Nikolaos Argyropoulos, et l'ancien directeur de la marine marchande espagnole, José Luis Lopez Sors, ont été acquittés du délit contre l'environnement. Aucun n'est coupable du naufrage. Seul le commandant a été condamné à neuf mois de prison pour avoir refusé, trois heures durant, le remorquage. Une opération que tout armateur demande à un équipage d'éviter tant le coût en est élevé : la société de remorquage est en droit de demander un pourcentage (plus ou moins fort) sur le prix de la cargaison du navire en perdition.
" Nous ne pouvons pas avoir de certitudes sur les causes de l'avarie " ni sur le fait qu'éloigner le navire des côtes, comme l'avaient ordonné les autorités espagnoles, refusant de l'abriter au port et obligeant le pétrolier à errer sur une mer déchaînée durant cinq jours en direction du Portugal puis de la France, ait été une " décision imprudente ", a expliqué le juge avant de prononcer l'acquittement général.
Pour Greenpeace Espagne, ce jugement montre que " créer un désastre environnemental est sans conséquence " et " n'empêchera pas qu'un autre Prestige soit possible ". L'avocat de l'ONG, José Manuel Marraco, est plus sévère encore : " Si la condamnation prononcée en France lors du procès du naufrage de l'Erika contre l'affréteur Total et le propriétaire du pétrolier était une avancée, celle du Prestige est un retour en arrière de vingt ans, digne d'un pays du tiers-monde, qui remet en cause le principe de la justice environnementale ", a-t-il déclaré au Monde.
Pour le président du conseil général de Vendée, département souillé par la marée noire du Prestige, Bruno Retailleau, " cette décision de justice montre à quel point la législation des pays européens se révèle impuissante à briser l'impunité qui prévaut généralement dans les affaires de pollution maritime ".
Le jugement du procès de la plus grande marée noire qu'ait jamais connue l'Espagne ne pouvait être que décevant puisque seuls trois prévenus répondaient de la catastrophe devant la justice espagnole. Trois hommes, aujourd'hui âgés de plus de 70 ans, qui comparaissaient en lieu et place des " véritables responsables " pointés du doigt par l'accusation : les propriétaires du Prestige, l'affréteur, le propriétaire de la cargaison, l'agence de certification et les responsables politiques.
Mais après dix ans d'instruction, près de 300 000 pages d'accusation, 1 500 plaintes regroupées en 55 parties civiles, huit mois d'audiences et près de 200 témoins et experts appelés à la barre, le verdict a été accueilli avec consternation à La Corogne, en Galice. Autour du tribunal, les membres de la plate-forme Nunca Mais (" plus jamais " en galicien) ont dénoncé " une farce ", un verdict " honteux " et " insultant pour les milliers de personnes qui ont dû aller nettoyer la côte ". Déjà, lors du procès, le maire de la commune de Muxia, la plus affectée par la marée noire, avait dénoncé une " pantomime ". " On n'attendait pas grand-chose puisque les principaux responsables n'ont même pas été mis en examen, mais au moins une victoire morale ", a affirmé un porte-parole de Nunca Mais.
N'ont été inquiétés ni les propriétaires du navire, la compagnie Mare Shipping, malgré le témoignage d'un ancien capitaine du Prestige qui a dénoncé la " corrosion des réservoirs ", ni l'affréteur, la compagnie suisse Crown Resources, qui s'est dissoute avant l'ouverture de l'enquête et a empêché que soit connu le destinataire de la cargaison – un fioul lourd de mauvaise qualité et d'origine russe.
Sur le banc des prévenus manquait aussi la société américaine de classification ABS qui avait autorisé le pétrolier, construit en 1976, à naviguer et contre laquelle le gouvernement espagnol a porté plainte aux Etats-Unis, sans succès.
Enfin, aucun des principaux responsables politiques de l'époque n'a été mis en examen, ni l'actuel chef du gouvernement, Mariano Rajoy, alors numéro deux du gouvernement de José Maria Aznar, qui avait minimisé les risques, ni l'ancien ministre de l'équipement, Francisco Alvarez Cascos, dont dépendait la décision d'éloigner le navire de la côte, décision qui, selon Greenpeace, a " transformé un accident en catastrophe ".
Personne ne paiera les 4,4 milliards d'euros de dommages et intérêts chiffrés par le procureur, dont 100 millions pour la France. Le jugement se contente de réclamer les 22 millions d'euros que la société londonienne d'assurance a déposés en garantie en 2002. Une maigre compensation.
Sandrine Morel