Un pays peut rentrer en faillite

Publié le 2 Août 2013

2826be1dRécemment, à une personne à qui je disais que la situation d'endettement excessif de notre pays créait un véritable problème, j'ai obtenu la réponse qu'un pays ne pouvait pas entrer en faillite. J'ai été subjugué par une telle ignorance.

Car oui, un pays peut entrer en faillite, comme l'Argentine dans les années 2000 et l'Espagne aujourd'hui.

Les conséquences peuvent être extrêmement douloureuses comme le montre cet article. Un pays qui laisse partir ses cerveaux est un pays qui ne peut plus investir, et un pays qui ne peut plus investir mourra à petit feu. C'est à cela que sert l'obligation de savoir gérer un budget, action qui n'a pas été conduite en France depuis 1981 et l'arrivée de M. Mitterrand au pouvoir.

Un article du journal 'Le Monde' daté du 21 Mai 2013

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LETTRE D'ESPAGNE
fuite des cerveaux

Nuria Marti, une biologiste espagnole de 33 ans, a perdu son emploi en 2011 dans le cadre d'un plan social. Comme tant d'autres de ses compatriotes ces dernières années, direz-vous. Sauf que cette jeune scientifique, qui a rapidement été embauchée par l'université américaine de la santé et des sciences d'Oregon (OHSU), y a participé au premier clonage de cellules souches humaines par transfert nucléaire, prouesse scientifique relatée dans le monde entier la semaine dernière.

Le 16 mai, sur la radio Cadena Ser, Nuria Marti a raconté son émotion et sa chance d'avoir participé à l'expérience. Mais elle est aussi revenue sur la " colère " qu'elle a ressentie quand elle a dû quitter l'Espagne et sur son désir de revenir. En précisant cependant : " Pas tant que les choses sont ainsi. "

Car les " choses " vont mal pour la science. L'Espagne a réduit de 39 % en trois ans le budget de la recherche. Nuria Marti en a fait les frais en novembre 2011, quand elle a été licenciée du Centre de recherche Principe Felipe de Valence, dans le cadre d'un plan social qui a mis à la porte 114 des 244 salariés et éliminé la moitié de ses laboratoires. Son curriculum a convaincu la prestigieuse OHSU, qui l'a embauchée trois mois plus tard.

Son cas n'est pas isolé. Le 15 mai, la presse se faisait l'écho de la situation paradoxale du physicien Diego Martinez Santos. Ce Galicien de 30 ans a appris le même jour qu'il recevait le Prix du meilleur jeune physicien des particules de la Société européenne de physique et que son dossier pour obtenir la bourse Ramon y Cajal, destinée à attirer les jeunes talents scientifiques en Espagne, était rejeté.

Sa candidature n'a pas convaincu le ministère espagnol de l'économie et de la compétitivité, dont dépend la recherche, bien que le jeune homme soit chercheur pour l'Institut national de physique subatomique des Pays-Bas et dispose d'un poste à l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) pour travailler sur l'accélérateur de particules LHC de Genève. La diminution du nombre de bourses y est pour quelque chose. Il fut un temps où le programme Ramon y Cajal offrait 780 places. En 2012, il n'en a offert aucune. Et cette année, seulement 175.

" Dévaluation interne "

Ces deux histoires, révélées à un jour d'intervalle, renforcent l'idée que le pays vit une " fuite des cerveaux " qui risque de l'appauvrir et de compromettre une sortie de la crise par le haut. Pour augmenter sa compétitivité, Madrid mise sur la baisse du coût de sa main-d'oeuvre, ce qu'elle nomme la " dévaluation interne " et semble abandonner l'idée d'être à la pointe dans la recherche médicale ou dans les énergies renouvelables.

L'Espagne n'a pas résolu les problèmes du Conseil supérieur de la recherche scientifique, l'équivalent du CNRS, au bord de la faillite depuis plusieurs mois. Elle doit aussi 164 millions d'euros à l'Agence spatiale européenne et 55 millions au CERN. Et n'a pas confirmé qu'elle participera au projet du télescope géant européen (E-ELT) au Chili, pour lequel elle devrait débourser 40 millions d'euros. Dans une lettre ouverte, près de 300 personnalités, en majorité des astronomes, ont critiqué un " retour en arrière irrattrapable " pour la science, qui l'empêcherait de " participer aux activités du télescope " et à sa construction.

En décembre 2012, 50 recteurs d'universités s'étaient associés pour prévenir que si la politique de coupes budgétaires dans l'éducation et la recherche ne changeait pas, " les dommages sur - le - système public de recherche et développement seraient irréparables : en détruisant ce qui a été construit par des décennies d'efforts, en laissant (...) sans perspective professionnelle des milliers de jeunes chercheurs et en affaiblissant sérieusement l'avenir de l'économie espagnole ".

De plus en plus d'Espagnols plient bagage pour fuir le chômage : 400 000 ont quitté le pays pour des motifs professionnels depuis le début de la crise. Contrairement à l'émigration espagnole des années 1960, ce sont souvent des jeunes qualifiés qui partent, ceux qui forment la " génération la mieux formée de l'histoire ".

par Sandrine Morel

sandrine.mo@gmail.com

Rédigé par Philippe NOVIANT

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