Un simple exemple de compétitivité économique
Publié le 30 Avril 2014
Dans notre pays, comme tout le monde, on n'aime pas les patrons. Ce sont toujours les méchants, alors que les salariés, eux, sont gentils. On oublie juste un peu rapidement que pour faire tourner l'économie, l'un ne va pas sans l'autre.
Comme dans notre pays, on n'aime pas les patrons, on les taxe. Et là où ça devient absurde, on les taxe en fonction de leur nombre de salariés. Ainsi, nos politiques sont fiers de dire qu'ils augmentent les charges patronales en disant que ça ne touche en rien le salaire du salarié, puisque les charges sont patronales. Las, cette démonstration vire à l'incompétence. Une charge est une charge. Elle engendre donc un coût salarial. Le patron a donc beau jeu de voir ce que lui coûte son salarié et envoie donc aux oubliettes les belles paroles de nos politiques qui ne savent pas comment marche une boite.
Un article a donc été écrit dans le journal 'Le Monde'. L'article explique très clairement en quoi la France est moins compétitive que l'Allemagne avec un salaire reversé au salarié, lui aussi, bien moindre.
Messieurs les politiques de tout poil, je vous conseille cette lecture !
Un article du journal 'Le Monde' daté du 20 décembre 2013
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Les véritables fiches de paie de Jean et de Hans
La différence France/Allemagne démystifiée
Quand les problèmes de salaires et de coûts du travail sont évoqués, c'est presque toujours le " modèle allemand " qui est pris en référence en raison de sa compétitivité et de sa proximité avec le modèle social français. Mais qu'en est-il lorsque l'on compare des bulletins de salaire établis d'un côté et de l'autre du Rhin ? Je n'ai ni la prétention ni les moyens de mener une étude étayée sur les avantages comparés des systèmes allemand et français. En revanche, j'ai des salariés dans les deux pays et je me suis demandé qui, de Jean le Français ou de Hans l'Allemand, gagnait le mieux sa vie… Comparaison édifiante s'il en est, car le salarié français, dont on dit qu'il est trop cher, est surtout très pénalisé.
Jean et Hans, 29 et 27 ans respectivement, célibataires, sont diplômés des mêmes écoles, témoignent d'expériences comparables, occupent le même poste d'ingénieur et réalisent le même travail, l'un à Lyon, l'autre à Munich. Alors que je m'attendais à une différence significative, j'ai été très surpris de découvrir que le coût total de chacun de ces deux salariés était quasi identique pour l'entreprise des deux côtés de la frontière : 4 750 euros pour Hans et 4 646 euros pour Jean ; soit un écart de 2 %. En ce qui concerne le coût du travail, voici un élément qui vient battre en brèche une idée reçue ancrée dans l'inconscient national.
La véritable première différence, considérable, concerne les charges patronales qui sont moitié moins élevées en Allemagne qu'en France. En conséquence, le salaire brut de Hans s'affiche 33 % au-dessus de son homologue français. Les charges salariales étant identiques (à 2 % près), leurs salaires nets encaissent donc un différentiel de 1 000 euros, au profit de Hans. Une nouvelle différence de taille allant à l'encontre d'une deuxième idée reçue concerne le niveau d'imposition sur le revenu : quand Jean s'acquitte de 286 euros par mois (soit 13 % de son salaire net), Hans débourse, de son côté, 793 euros (25 %) directement prélevés à la source… C'est un écart considérable.
Mais, tout compte fait, c'est encore le jeune cadre célibataire allemand qui s'en sort le mieux, avec un salaire net après impôts de 2 383 euros, quand Jean ne perçoit plus que 1 890 euros, soit 26 % ou 500 euros de différence de pouvoir d'achat entre ces deux salariés.
Quand on sait que le coût de la vie en Allemagne est un peu moins élevé qu'en France, que le prix de l'immobilier y est moindre et que l'on n'y paye pas l'utilisation des autoroutes, cette différence de traitement m'interpelle. Et n'allons pas croire pour autant que les services publics soient moins performants en Allemagne qu'en France, puisque tous les indicateurs axés sur la qualité de vie ou les prestations offertes révèlent que, à pression fiscale moindre, l'indice de développement humain des Nations unies place la France derrière l'Allemagne…
Tour de passe-passe
En analysant les différences entre les taux de prélèvement des deux pays, il est clair que la stratégie des pouvoirs publics en France a toujours consisté à financer ses propres dépenses en majorant prioritairement les charges dites " patronales ", donnant ainsi l'illusion de faire " payer les entreprises " pour préserver le pouvoir d'achat des salariés. Ce tour de passe-passe permet également de cacher aux salariés l'ampleur des prélèvements en vigueur dans notre pays, qui font qu'un salarié générant 4 650 euros de valeur ajoutée ne touche au final que 1 890 euros, soit 40 % seulement de son travail, contre 50 % en Allemagne.
Cependant, la réalité économique rattrape rapidement ce type de manœuvre. Les entreprises françaises opèrent dans un contexte de concurrence internationale et leur survie ne passe que par l'équilibre de leurs comptes d'exploitation. Elles répercutent donc systématiquement, dans un délai plus ou moins long, toutes les hausses de charges en minorant les salaires à l'embauche et/ou les augmentations annuelles. Qu'elles soient " patronales ", " salariales " ou " fiscales ", toutes ces charges sont assises sur les salaires et donc au final sur le seul pouvoir d'achat des salariés.
A mon sens, la compétitivité des entreprises françaises n'est pas antinomique avec le pouvoir d'achat des Français. Bien au contraire. La réponse à ces deux problèmes se trouve dans la réduction de la dépense publique et non pas dans " l'optimisation " des recettes fiscales ou dans la création de nouvelles taxes.
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Jean-Michel Bérard
Président du directoire d'Esker
Lire les fiches de salaire anonymes des deux salariés en annexe de cette tribune
Sur Lemonde.fr
Jean-Michel Bérard
est président du directoire de l'éditeur de logiciels Esker. 68 % de son chiffre d'affaires est réalisé hors de France