Une Légion d'honneur méritée
Publié le 5 Avril 2013
C'est une Légion d'honneur qui est méritée. Madame Rouillon, maire d'une grande ville, s'est battue contre la spéculation immobilière et ses résultats sont là.
Une bonne initiative qui doit être reproduite chez d'autres.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 27 Novembre 2012
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Une Légion d'honneur contre la spéculation immobilière
Une Légion d'honneur attribuée à une " Robin des bois " Front de gauche. La ministre du logement, Cécile Duflot, a élevé au grade de chevalière de l'ordre national Jacqueline Rouillon, maire de Saint-Ouen, commune de la " ceinture rouge " parisienne. La ministre écologiste vient surtout récompenser une démarche assez culottée de l'élue qui tente, depuis six ans, de contenir la spéculation immobilière en préemptant les logements mis en vente. Une pratique à la lisière de la légalité, mais qui fonctionne.
Depuis 2005, la mairie a mis en place deux dispositifs pour bloquer la spéculation, une charte promoteur et la préemption. Avec l'envolée des prix liée à la crise du logement, cette commune de Seine-Saint-Denis située aux portes de Paris est l'objet d'une convoitise certaine de la part des constructeurs. Jacqueline Rouillon, soucieuse de garder sa population de petits employés et fonctionnaires, a réactivé une vieille pratique des municipalités communistes : le rapport de force avant la négociation.
Ainsi, pour toute opération immobilière de logements neufs, la ville impose aux promoteurs la signature d'une charte qui les oblige à vendre à un prix inférieur de 10 % par rapport à celui du marché, ainsi qu'à une diminution supplémentaire du prix de vente d'encore 10 % pour les Audoniens modestes. Et ça marche ! Sur les Docks, vaste écoquartier en construction sur les bords de Seine, 50 % des promesses de vente ont été réalisées avec cette clause, soit un prix au mètre carré plafonné à 4 500 euros.
L'autre dispositif, plus osé, concerne le logement ancien : là, la mairie utilise son droit de préemption pour obtenir des baisses de prix. Les propriétaires souhaitant vendre sont invités à ne pas dépasser un plafond évalué entre 3 000 et 3 500 euros le mètre carré. S'ils passent outre, la mairie préempte. " La plupart du temps, on utilise ce levier comme pouvoir de négociation ", reconnaît l'entourage de la maire. " La préemption permet d'empêcher que les prix passent du simple au double à la revente et que le marché s'emballe ", explique Mme Rouillon. En 2011, sur 800 ventes d'appartements, une cinquantaine ont été préemptés.
Là encore, la coercition a marché : sur la totalité des transactions réalisées cette année, l'économie pour les acheteurs s'élève à 18 600 euros en moyenne. " Les propriétaires viennent nous voir pour vérifier que le prix affiché est raisonnable ", raconte Dominique Ferré, directrice de la gestion urbaine. Mais si certains ont fini par admettre le plafond fixé avant que la procédure n'aille à son terme, d'autres ont saisi la justice pour atteinte au droit de propriété. La justice a différemment apprécié les préemptions, condamnant la mairie à plusieurs reprises ou la relaxant dans d'autres cas. Qu'importe, répond Jacqueline Rouillon, " le droit au logement est une question brûlante et il nous appartient de le garantir ". Il est vrai qu'au regard de l'envolée des prix du mètre carré dans les communes voisines Saint-Ouen maîtrise son foncier.
Sa persévérance a été remarquée par Cécile Duflot qui a tenu à récompenser la " politique courageuse " d'une élue qui " s'est attaquée à la loi du marché qui régit l'immobilier ", explique un membre de son cabinet. Le 18 décembre, la ministre de l'égalité du territoire et du logement remettra à l'ancienne communiste le ruban rouge à la boutonnière. Un pied de nez à l'un des droits les plus protégés, la propriété privée.
Sylvia Zappi