Une situation honteuse pour notre pays

Publié le 20 Janvier 2015

350px-La-justiceLa situation de certaines de nos prisons est une honte pour notre pays. Elle est une honte car elle révèle une méconnaissance manifeste sur la réinsertion de personnes qui auront fait l'objet de véritables tortures dans le milieu carcéral.

Comment voudrait-on qu'un prisonnier qui a été victime d'un tel traitement se conduise parfaitement une fois dehors ? La prison doit réinsérer, pas produire de futurs bandits !

Pas question de transformer nos prisons en villages du Club Med', mais il ne faut pas exagérer : la torture ne peut qu'aboutir à la destruction des personnes ! Quand on traite les gens comme de la merde, ils se conduiront comme tels !

Il est donc temps d'engager des travaux importants dans certaines de nos prisons afin qu'elles sortent de leur statut de véritables lieux de torture.

C'est le minimum que l'on peut demander de la part d'un pays qui a été moteur des Droits de l'Homme...

Un article du journal 'Le Monde' daté du 16 Octobre 2014

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La prison "inhumaine " de Ducos, en Martinique
Surpopulation massive, traitements dégradants... L'observatoire international des prisons a saisi la justice

Difficile de se sentir un peu seul, à Ducos. A quatre dans 9 m², vingt et une heures sur vingt-quatre, on a effectivement de quoi se tenir chaud, surtout à la Martinique, dans l'unique prison de l'île. Ceux qui ont le cafard ont aussi des rats, des grenouilles, des fourmis et des scolopendres - de sales bêtes venimeuses - dont un détenu a pieusement recueilli un spécimen de 14  cm. On mange sur ses genoux, chacun sur son matelas, et quand quelqu'un a la mauvaise idée d'aller au coin toilettes, on monte un peu le son de la télé pour le bruit et on allume un petit serpentin anti-moustiques pour l'odeur.

Le centre pénitentiaire de Ducos se dispute le titre de la pire prison de France. Elle n'est pas bien vieille  -1996  - mais prévue pour 490 places, portées à 570 en  2007, elle accueille un petit millier de détenus  -  998 au printemps 2013, dont 150 sur un matelas par terre. La chancellerie est au courant  : le contrôleur général des lieux de privation de liberté avait rendu un rapport effaré en  2009, l'inspection des services judiciaires, le procureur, le chef d'établissement, un député, ont multiplié les mises en garde et la garde des sceaux, Christiane Taubira, a reçu en juin  2013 le rapport consterné de la mission conduite par Isabelle Gorce, devenue deux mois plus tard, en juillet  2013, directrice de l'administration pénitentiaire.

De guerre lasse, l'Observatoire international des prisons (OIP) a déposé cette semaine un référé-liberté devant le tribunal administratif de Fort-de-France pour mettre fin à ces "  traitements inhumains ou dégradants  ", comme il l'avait fait avec succès en décembre  2012 pour la prison des Baumettes de Marseille.

Le rapport Gorce évoquait il y a un an "  un surencombrement massif  "  : cela ne va pas tellement mieux. Le taux d'occupation en maison d'arrêt était au 1er  juillet de 201,7  %, celui du centre de détention - pour les longues peines - de 123,7  %. Au quartier arrivant, sorte de sas avant le placement en cellule, les contrôleurs avaient en  2009 découvert un détenu qui végétait là depuis un an, avec un taux de suroccupation de 340  %.
Les murs "  noirs de crasse  "

Chaque nouvel arrivant recevait un short, un tee-shirt et une paire de sandales. Lors du contrôle de 2009, à cause d'une rupture de stock, ils n'avaient que les sandales. On distribue un rouleau de papier toilette, un morceau de savon et 10  cl d'eau de Javel par mois, avec un torchon et une serviette pour toute la durée de la détention, quelle qu'elle soit. "  L'entretien du linge n'est pas assuré, indiquaient sobrement les rapporteurs, et les vêtements peuvent être portés jusqu'à l'usure complète.  " Le Secours catholique distribue des brosses à dents pour les indigents, près de 40  % des détenus.

Dans les cellules, le bruit est infernal, les murs "  noirs de crasse  " et l'odeur forte, surtout quand la chaleur est étouffante  : "  Des odeurs remontent des égouts.  " Toutes les cellules n'ont pas de poubelle et beaucoup jettent par la fenêtre leurs déchets qui se décomposent sous l'implacable soleil martiniquais. Il n'y a pas d'eau chaude dans les douches. "  Elles sentent mauvais, a raconté un détenu à l'OIP, certains détenus handicapés font leurs besoins à l'intérieur.  " Les prisonniers qui dorment par terre, les premiers intéressés, bourrent de la mousse sous la porte pour freiner l'arrivée des rats.

Face au délabrement du système électrique, la sous-commission de sécurité a donné à deux reprises, en  2011 et 2013, un avis négatif sur l'utilisation des locaux, parce que "  les risques d'éclosion d'incendie, d'électrisation sont importants  ". Et comme il n'y avait pas en cellule de détecteur de fumée et que les Interphone ne fonctionnaient pas, l'administration a finalement fait des travaux en  2013.

La promiscuité engendre aussi "  une violence importante  ", reconnaissait la mission Gorce. "  Je vais pas dire à un type de ne pas aller aux toilettes pendant que je mange, a raconté un prisonnier, sinon c'est une bagarre qui éclate.  "
 " Sentiment d'abandon "

Une centaine de détenus travaillent à l'entretien de la prison, vingt-cinq seulement en atelier, "  plus de 60  % de détenus sont oisifs  ", notait le rapport Gorce. Il y a bien un terrain de sport, mais lors de la visite des contrôleurs, "  l'endroit était détrempé et impraticable  ". Des détenus ont attendu trois mois avant de pouvoir faire de la musculation. Ils peuvent se rendre deux par deux à la bibliothèque, une fois tous les quinze jours, et pour quinze minutes. Les codes judiciaires ne se consultent que sur place  -  il s'agit de lire vite. Il n'y avait, enfin, en  2009, qu'un seul téléphone pour toute la prison, la communication ne pouvait pas dépasser quinze minutes par mois  -  on avait, en revanche, saisi l'année précédente 74 téléphones portables en détention.

L'inspection sanitaire avait relevé en  2009 "  le sentiment d'abandon des équipes soignantes  ".  En  2012, l'agence régionale de santé s'inquiétait des "  moyens humains insuffisants  ", des "  locaux inadaptés  " et d'une "  organisation de la pharmacie non conforme  ". A Ducos, il vaut mieux ne pas avoir mal aux dents, le délai d'attente "  dépasse quatre mois pour les soins programmés  ", relevaient les contrôleurs  -  35  % des détenus attendaient le dentiste.

"  L'inertie des pouvoirs publics ne manque pas de surprendre  ", dénonce l'OIP, qui entend bien aller jusqu'au Conseil d'Etat. Le ministère de la justice est "  conscient des difficultés  ", son porte-parole rappelle que la garde des sceaux avait signé en janvier une circulaire pour "  relancer les aménagements de peines  " en Martinique et demandé au parquet "  un traitement ferme et rapide des violences en prison  ". Il indique qu'en  2015, 160 nouvelles places, quatre parloirs familiaux et quatre unités de vie familiale seront livrés et des études seront lancées pour la construction d'un centre de semi-liberté de 25 places et, en  2016, d'un nouveau centre pénitentiaire de 520 places, conformément aux préconisations de la mission Gorce.

Franck Johannès

Rédigé par Philippe NOVIANT

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