Quand le Sénat oublie les principes élémentaires de défense de l'intérêt général
Publié le 19 Mai 2014
Je rappelle que le Sénat est, théoriquement, une assemblée chargée de représenter le peuple. Las, aujourd'hui, elle se comporte comme une caste propre à défendre l'un des leurs, ce, au détriment de l'intérêt général.
M. Dassault est un bandit qui a acheté des voix à coup de billets de banque. Aujourd'hui, on essaie de le faire parler, mais le Sénat s'y oppose. Au nom de quoi ? M. Dassault n'est pas visé pour des faits où il essaierait de défendre ses concitoyens vis à vis de lobbys bandits, c'est lui le bandit !
La protection de l'élu a été instaurée pour qu'il puisse pleinement défendre l'intérêt général, pas ses intérêts propres au détriment de la société !
Le Sénat serait bien aise de se rappeler ces petits principes démocratiques de base !
Un article du journal 'Le Monde' daté du 10 Janvier 2014
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Le Sénat bride l'enquête sur le " système " Dassault
Le bureau de la Haute Assemblée a rejeté la demande de levée d'immunité de l'ancien maire de Corbeil-Essonnes
Le refus des sénateurs de lever l'immunité parlementaire de Serge Dassault freine considérablement les enquêteurs dans leur volonté d'y voir plus clair sur le système présumé d'" achat de voix " et de " corruption " mis en place par l'industriel à Corbeil-Essonnes (Essonne), ville dont il a été maire de 1995 à 2009.
Les sénateurs ont-ils voté par réflexe corporatiste pour ne pas lâcher l'un des leurs ? Ont-ils minimisé les conséquences d'une décision qui renforce encore davantage le sentiment d'impunité dont jouissent les élus de Corbeil ? Ou considéré que la réforme de 1995 qui allège le régime de l'immunité suffisait puisqu'elle permet aux juges d'entendre un parlementaire et de le mettre en examen ? Les juges Serge Tournaire et Guillaume Daïeff, soutenus par le procureur de Paris et le parquet général, les ont pourtant éclairés en expliquant l'importance de permettre à des policiers d'entendre le sénateur avant qu'eux-mêmes ne l'auditionnent à leur tour.
" La garde à vue a pour seul but d'attendrir la viande ", diront les mauvaises langues, des avocats pour l'essentiel. Dans une enquête comme celle-ci, elle permettrait pourtant d'interroger Serge Dassault, sans ses avocats, pendant plusieurs heures, sans que ce dernier prétexte un rendez-vous quelconque pour écourter son tête à tête avec les policiers. C'est aussi pouvoir entendre, au même moment, dans un bureau voisin, des personnes comme Jean-Pierre Bechter, le maire de Corbeil, puis de laisser le temps au juge de lire leurs déclarations avant de les confronter. Enfin, sans la levée de son immunité parlementaire, Serge Dassault n'est soumis à aucun contrôle judiciaire, et peut donc rencontrer à loisir les autres acteurs du dossier.
Le sénateur n'a jamais nié avoir " donné de l'argent " aux habitants de Corbeil, mais c'était " jamais sans raison ", a-t-il expliqué au Journal du dimanche, le 8 décembre 2013. " J'ai acheté un camion à l'un, une pizzeria à un autre, des choses comme ça. " Mais " tout ce que j'ai financé, je l'ai financé avec mon argent personnel, toujours officiellement. " Et en aucun cas pour se faire élire, assure-t-il. Or, toute la difficulté pour les juges est de relier ces généreux dons avec les résultats des urnes. Critiquable moralement, le clientélisme n'est en effet pas puni par la loi.
Le système Dassault a commencé à craquer le 8 juin 2009, après l'annulation par le Conseil d'Etat de la réélection de l'industriel à la tête de sa ville : " Des dons en argent - dont - l'ampleur ne peut être précisément déterminée " ont " altér - é - la sincérité du scrutin et vici - é - les résultats. " Les langues se sont peu à peu déliées à mesure que l'ambiance se tendait à Corbeil et que l'argent de l'industriel suscitait rancœur et jalousie.
Rachid Toumi, " l'un des indicateurs " de Jean-Pierre Bechter, selon les propres termes de l'actuel maire, fut l'un des premiers à décrire l'organisation pyramidale mise en place à Corbeil pour glaner un maximum de voix. Recruté par un ami employé à la ville, Rachid Toumi, en échange d'un " prêt de 100 000 euros pour monter un garage ", avait lui-même recruté une dizaine de personnes pour aller convaincre " des gens qui n'avaient jamais voté de leur vie " de donner leur voix à M. Bechter, avait-il expliqué au Parisien du 27 février 2013. Voter Bechter, c'était voter Dassault.
L'argent devait être versé quelques mois après les résultats. En 2012, M. Toumi a commencé à recevoir des SMS de menaces. Tous ceux à qui l'on avait promis appartement, prêt de 10 000 euros, four à pizza, stage pour le petit frère à la ville, permis de conduire… et qui ne voyaient rien venir, réclament alors leur dû.
Les recruteurs se retournent contre leur supérieur direct. Rachid Toumi, qui s'est fait tirer dessus en janvier 2013, demande à son tour des comptes. Selon les informations du Monde, il est allé retrouver un certain " Hamza ", fin novembre 2013, sous l'abri d'une station de lavage de voiture de Corbeil. " Quatre fois 400 000 au Liban. Il est où notre argent ? ", demande-t-il selon un enregistrement vidéo. " Ils ont été au Liban, ils ont pris leur argent, ils ont partagé ça en deux (…) et c'est tout ", répond " Hamza ", en évoquant les sommes récupérées par Younès Bounouara, le bras droit de Dassault dans les quartiers, mais non redistribuées. Cet enregistrement sur lequel " Hamza " ne remet pas en cause les quatre versements de 400 000 euros au Liban a été transmis à la juge Aurélie Poirier qui enquête sur deux tentatives d'assassinat survenues début 2013 à Corbeil.
Certains électeurs lésés, plus nerveux, frappent plus haut. " Wouesch, tu prends les gens pour des cons (…) t'as arrosé tout le monde, t'as arrosé, t'as arrosé hein, et elle est où ma part moi (…) on me menace de mort (…) tu vas comprendre ce que c'est que la diffamation (…) t'as acheté des gens avec ton argent pourri, (…) avec ton argent à cause de toi les gens sont dans le coma ", enrage " Ettaich " sur le répondeur de Jean-Pierre Bechter, le maire de Corbeil, en mars 2013. " Moi j'ai pas de Ducati, j'ai pas de Porsche Cayenne, j'ai rien du tout, ajoute-t-il deux minutes plus tard, selon les retranscriptions que le Monde a pu consulter. " Vous avez toujours foutu la merde avec votre argent et c'estgrâce àmoi aujourd'hui que vous êtes maire. Et vous êtes reconnaissant en quoi, avec 35 heures aux espaces verts ? " Quatre minutes plus tard, il rappelle : " Vous savez pas la vie des gens, vous (…), vous êtes bourré friqué (…) moi ch'uis pas milliardaire, je sors de prison, j'ai des gros problèmes (…) vous savez que dire le seul préfet c'est celui qui tient les rênes, on peut pas vous attribuer de logement, on peut pas t'embaucher, on peut pas t'stagiairiser (…) vous m'avez rendu malade, et je vais vous foutre dans la merde (…) vous allez voir, wallah. "
Avant de convoquer Serge Dassault, les juges auraient voulu qu'il s'explique sur ses dons d'argent aux habitants de Corbeil, et notamment sur ces 3 millions d'euros évoqués par Libération du 9 janvier. En 2011, Serge Dassault a effectué " un versement de 18 millions d'euros à une société libanaise qu'il contrôle, baptisée Iskandia ", officiellement pour acheter " un jet d'affaires Falcon ". " Mais sur ces 18 millions, les juges ont pu établir que 3 millions d'euros ont au final été versés via le Liban à des habitants de Corbeil-Essonnes. "
Protégé par son immunité parlementaire, Serge Dassault pourrait malgré tout se retrouver très prochainement face aux juges. Si, à l'issue de leur audition, les magistrats estimaient qu'il existe des " indices graves ou concordants " de " blanchiment ", " corruption ", " achat de voix " ou " abus de bien social ", ils le mettront en examen. L'avionneur âgé de 88 ans a toujours assuré qu'il se tenait à la disposition de la justice.
Emeline Cazi et Simon Piel
Une affaire aux fronts judiciaires multiples
Tentatives d'assassinat A Evry, les juges enquêtent sur deux tentatives d'assassinat dans le cadre de procédures distinctes. La première concerne celle qui a visé Fatah Hou. C'est dans cette procédure que Serge Dassault et Jean-Pierre Bechter ont été entendus. La seconde concerne Rachid Toumi, un jeune homme qui dénoncera ensuite le système d'achat de votes auquel il dit avoir participé.
Achats de votes Après une enquête préliminaire, une information judiciaire est ouverte à Paris en mars 2013 pour corruption, abus de biens sociaux, blanchiment et achat de votes présumé aux élections municipales, entre 2008 et 2010.
Association de malfaiteurs Fatah Hou a porté plainte auprès du parquet d'Evry pour association de malfaiteurs, une procédure qui vise notamment Serge Dassault et Jean-Pierre Bechter. Il les soupçonne d'avoir tenté de le faire arrêter au Maroc pour l'éloigner de Corbeil. Une enquête préliminaire devrait être ouverte.
Appels malveillants Après des plaintes d'enfants de Serge Dassault victimes d'appels malveillants, une information judiciaire est ouverte à Paris le 24 janvier 2013. Trois frères, originaires de Corbeil, ont été mis en examen.
Extorsion Une enquête préliminaire est en cours au parquet de Paris pour extorsion en bande organisée, après des prêts accordés par M. Dassault à des habitants de Corbeil-Essonnes.
Menaces Serge Dassault a déposé deux plaintes le 4 novembre pour " appels téléphoniques malveillants réitérés, tentative d'extorsion de fonds, chantage, menaces, recel et complicité ", l'une à Evry visant René Andrieu et Fatah Hou, l'autre à Paris visant Mamadou Kebbeh, mis en examen dans le dossier d'appels malveillants.