Quand des grands patrons, nommés par des politiques, piquent dans la caisse

Publié le 10 Février 2016

Quand des grands patrons, nommés par des politiques, piquent dans la caisse

Décidément, on aura eu droit à tout dans l'affaire d'Areva ! Non seulement, on a eu une patronne à la compétence plus que douteuse, mais on a aussi eu droit, pour le même tarif, au mari de cette dernière qui profite de la situation de sa femme pour s'en mettre plein les poches !

Le patron d'une entreprise comme Areva n'est pas recruté sur ses compétences, mais sur ses liens politiques. Ayant été "Sherpa" de François Mitterrand, Mme Lauvergeon a obtenu ce poste où ses résultats ont été pour le moins plus que catastrophiques...

Ces articles, en plus d'indiquer que M. Fric, qui porte décidément bien son nom, est soupçonné d'avoir agi illégalement, rappelle le contexte de la gestion calamiteuse de Mme Lauvergeon...

Deux articles du journal 'Le Monde' daté du 3 Octobre 2015

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UraMin-Areva : enquête sur un délit d'initié

Le mari de l'ex-patronne d'Areva aurait bénéficié d'informations privilégiées sur le rachat de mines d'uranium

L'organisme antiblanchiment Tracfin a travaillé dans le plus grand secret pendant de long mois. Main dans la main avec le Money Laundering Reporting Office-Switzerland (MROS), son homologue suisse, il a suivi pas à pas le chemin complexe emprunté par plusieurs millions de dollars depuis des places offshore vers des comptes liés à Olivier Fric, homme d'affaires discret. Cet intermédiaire dans le secteur de l'énergie est par ailleurs l'époux d'Anne Lauvergeon, patronne pendant dix ans et jusqu'en 2011 d'Areva. A la clé, peut-être, un début d'explication sur le flou qui entoure l'acquisition en 2007 de la société UraMin pour 1,8 milliard d'euros par le groupe qui s'est soldée par un fiasco industriel.

Malgré les réticences des institutions bancaires suisses, le MROS est parvenu à obtenir des documents sur les comptes détenus par M. Fric. Au milieu de nombreux flux financiers, plusieurs ont intrigué les enquêteurs. Ils relient directement le mari de Mme Lauvergeon à l'acquisition de la société UraMin. Dans une note transmise pendant l'été au parquet national financier, l'organisme antiblanchiment français a détaillé ses trouvailles.

Selon les informations du Monde, elles ont conduit le parquet national financier à délivrer début septembre un réquisitoire supplétif aux magistrats enquêtant sur l'acquisition d'UraMin pour qu'ils puissent instruire sur les faits de délits d'initiés.

Ce volet vient élargir la première information judiciaire qui visait jusqu'ici des faits présumés d'escroquerie, d'abus de bien social et de corruption d'agent public étranger. Une autre enquête est par ailleurs ouverte pour diffusion de fausses informations boursières, de présentation de comptes inexacts, d'abus de pouvoir, de faux et d'usage de faux.

La question est désormais posée par la justice : Olivier Fric a-t-il bénéficié d'informations privilégiées sur l'acquisition de la société UraMin afin de réaliser des mouvements financiers spéculatifs ? Son avocat, Mario-Pierre Stasi, affirme au Monde que son client conteste tout délit d'initiés et réserve ses explications à la justice.

Selon les extraits de la note de Tracfin rendus publics, mercredi 30 septembre, par Charlie Hebdo et dont Le Monde a pu obtenir confirmation, plusieurs sociétés domiciliées dans des paradis fiscaux ont acquis des titres UraMin à la Bourse de Toronto entre le 18 mai et le 12 juin 2007 avant de les revendre à la société Amlon Limited peu après. Le 20 juin, cinq jours après l'annonce officielle de l'offre publique d'achat d'Areva sur la société canadienne, ces actions étaient toutes revendues. La plus-value, 300 000 euros environ, aurait ensuite atterri sur un compte bancaire au Crédit suisse avant de rebondir au Liechtenstein puis à nouveau en Suisse sur des comptes liés à Olivier Fric ainsi qu'à la société International Trade and Finance dont il est l'un des associés.

" Opération douteuse "
Sur la base de ces informations, les enquêteurs de Tracfin écrivent qu'il peut être " raisonnablement envisagé que M. Fric ait disposé d'une information dont n'ont pas bénéficié les autres acteurs du marché boursier, pour en tirer un profit par l'entremise d'entités juridiques sous son contrôle ". Ils s'interrogent ensuite sur une volonté supposée " de masquer l'opération ".

Depuis l'acquisition d'UraMin et son épilogue en forme de fiasco industriel, les interrogations étaient légion sur le choix stratégique d'Anne Lauvergeon. Dès 2010, des cadres de l'entreprise commandaient un audit discret sur l'acquisition d'UraMin. Dans ses conclusions, l'auteur du rapport notait : " J'ai le regret de vous informer que cette opération boursière est particulièrement douteuse. Il y a un faisceau d'indices sérieux et concordants qui montre qu'Areva a été victime d'une escroquerie. " En 2011, le directeur du département minier, Sébastien de Montessus, mandatait un cabinet suisse d'intelligence économique pour enquêter sur cette acquisition. A aucun moment, Anne Lauvergeon ne fut informée de cette initiative.

Le nom d'Olivier Fric, cité dans cette enquête privée, est venu faire écho aux interrogations de nombreux cadres sur les immixtions répétées du mari de la dirigeante dans les affaires d'Areva.M. Fric avait notamment participé au recrutement de Daniel Wouters, entré fin 2006 chez Areva, où il a ensuite géré le rachat d'UraMin…L'enquête menée par Alp Services, qui vaudra à son auteur d'être condamné en France pour s'être procuré les fadettes de M. Fric, ne conclura à aucune malversation de ce dernier dans UraMin. Mais le mystère autour des activités de M. Fric n'en fut pas pour autant dissipé.

Si Mme Lauvergeon a reconnu fin 2013 que l'acquisition d'UraMin s'était " faite au mauvais moment ", elle a expliqué à plusieurs reprises publiquement depuis son départ du groupe en 2011 avoir été l'objet d'une cabale politique ourdie par ceux qui souhaitaient la voir partir. Au premier rang desquels Claude Guéant, François Roussely et Henri Proglio, deux anciens dirigeants d'EDF. Contacté, Jean-Pierre Versini-Campinchi, avocat de Mme Lauvergeon, n'a pas souhaité réagir.

Simon Piel

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Un désastre financier et industriel

Quand Anne Lauvergeon décide d'acheter la société minière canadienne UraMin, à l'automne 2006, l'opération a un sens : Areva doit diversifier son approvisionnement en uranium.

Deux ans plus tôt, une mine géante en Australie, Olympic Dam, lui a échappé. Au Niger, qui assure une partie notable de l'approvisionnement des 58 réacteurs nucléaires d'EDF, les deux mines d'Arlit s'épuisent et Niamey veut en finir avec le monopole des Français. Au Canada, Cigar Lake a subi en 2006 une importante inondation qui retarde l'exploitation de ce gisement à très haute teneur uranifère.

Dès l'automne 2006, la présidente du directoire d'Areva jette son dévolu sur UraMin, une " junior " créée l'année précédente et propriétaire de gisements en Namibie et en République centrafricaine. L'époux de Mme Lauvergeon, Olivier Fric, entre alors en scène. C'est lui qui recommande l'embauche du banquier belge Daniel Wouters, qui participera à l'achat d'UraMin au sein de la " business unit " mines d'Areva. C'est l'époque où les concurrents d'Areva, le canadien Uranium One, le russe ARMZ (Rosatom) ou l'australien Paladin, affichent aussi de grandes ambitions.

Trois milliards d'euros engloutis
" Atomic Anne " veut aller vite pour acheter au meilleur prix. Mais les deux fondateurs d'UraMin attendent que le cours de l'uranium atteigne un sommet, au début de l'été 2007, pour vendre leur société. De 416 millions d'euros en octobre 2006, le prix a grimpé à 1,8 milliard. Quant au projet de Mme Lauvergeon de revendre 49 % d'UraMin à l'exploitant chinois de centrales nucléaires CGNPC, il fait long feu. Et iI est désormais avéré que toutes les précautions n'ont pas été prises pour s'assurer que les gisements, notamment en Namibie, contenaient bien l'uranium promis.

Trois milliards d'euros d'argent public seront finalement engloutis dans l'opération. Car à l'acquisition elle-même se sont ajoutés 1,25 milliard d'investissements dans le gisement namibien aujourd'hui arrêté. Entre 2010 et 2011, Areva a déprécié UraMin dans ses comptes pour près de 2 milliards d'euros.

Jean-Michel Bezat

Rédigé par Philippe NOVIANT

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