Réformer nos politiques d'éducation en France 4/5

Publié le 9 Décembre 2014

complexeJe trouve malheureux que cette réforme n'ait pas eu pour finalité de respecter l'intérêt de l'enfant. Il y a une telle disparité dans la mise en oeuvre de la réforme scolaire, qu'il y a forcément disparité dans le respect des rythmes des enfants. Cela n'est pas tolérable car cela crée des différences entre les citoyens. Certains auront la chance de voir leurs enfants évoluer dans un cadre respectueux de leurs rythmes, d'autres non. Est-ce là le principe d'égalité prônés par notre République ?

De plus, comment se fait-ce que la réforme nous coûte aussi chère par le paiement des activités proposées ? Ne pouvait-on pas faire appel au travail des enseignants pour ce faire ? Ne les paye-t-on pas pour s'occuper de nos élèves ? N'y avait-il pas moyen de les former à enseigner une nouvelle activité ? Je n'ai franchement pas dans l'idée que la productivité des professeurs des écoles soit déjà à son maximum...

Un article du journal 'Le Monde' daté du 3 Septembre 2014

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Le paysage brouillé des rythmes scolaires
2 951 communes ont assoupli le retour à la semaine de 4 jours et demi. Quitte à s'éloigner de l'esprit de la réforme

Qu'ont en commun, en cette rentrée scolaire, des communes comme Dunkerque (Nord), Marseille (Bouches-du-Rhône), Arcachon (Gironde), Megève (Haute-Savoie) ou Hyères (Var) ? Elles ont opté pour un cadre " assoupli " de la réforme des rythmes scolaires, consenti par l'ex-ministre de l'éducation, Benoît Hamon, pour parachever la réforme – une promesse de campagne de François Hollande – et faire taire l'opposition.

Les 20 000 dernières villes – sur les 24 000 possédant au moins une école – qui n'avaient pas sauté le pas en septembre 2013 reviennent cette année à cinq matinées d'école par semaine (comme avant la réforme Darcos de 2008). 12,8 % d'entre elles, soit près de trois fois plus que prévu par le ministère de l'éducation nationale, s'écartent des règles du " décret Peillon ". Près d'un million d'élèves vont expérimenter une semaine scolaire " à la carte ", redoutent des syndicats, au risque d'un certain brouillage du paysage.

Assouplissement pour 3 000 communes Elles sont 2 951, selon le recensement ministériel, à s'être engouffrées dans la brèche ouverte par Benoît Hamon. Dès son installation rue de Grenelle, au printemps 2014, l'ex-ministre avait été chargé d'une mission : sortir par le haut de deux années de polémique qui avaient coûté son poste à son prédécesseur, Vincent Peillon. A cette date, 6 % des communes n'avaient pas pu – ou pas voulu – rendre publics leurs futurs emplois du temps. A leur attention, M. Hamon a concocté un décret sur mesure les autorisant à expérimenter, pour trois ans, des modes d'organisation n'entrant pas dans les clous du " décret Peillon " du 24 janvier 2013, mais qui, en théorie, en respectent l'esprit.

Des dérogations qui ne disent pas leur nom ? Sans doute. Le " décret Hamon " du 7 mai 2014, sans se substituer au texte initial, entend répondre aux difficultés de gestion des villes, en permettant notamment de rassembler sur une seule demi-journée les activités périscolaires réparties, ailleurs, sur plusieurs après-midi. Le ministère comptait sur un gros millier de communes intéressées. Surprise : elles sont pratiquement trois fois plus nombreuses (12,8 %) à avoir saisi cette opportunité.

Les intérêts de l'enfant oubliés ? Près de 15 % des 5,7 millions d'enfants scolarisés dans le public vont ainsi goûter à une réforme des rythmes " plus adaptée aux réalités locales ", disent les élus. Mais qui ne répond pas toujours aux intérêts des enfants, regrettent les chronobiologistes. Surtout quand les villes, à l'image de Marseille, Marignane, Aubagne ou La Ciotat (Bouches-du-Rhône), ont choisi de reporter les ateliers, facultatifs, au vendredi après-midi. Conséquence : un retour à des journées de six heures (une durée record au sein de l'OCDE), alors que le " décret Peillon " les limite à cinq heures trente " maximum " (sauf dérogation), et un week-end de deux jours et demi. Trop long, disent les médecins et spécialistes de l'enfant, pour ne pas désynchroniser l'horloge biologique des plus petits.

" Les remontées du terrain montrent de très fortes disparités territoriales ", s'inquiète le SNUipp-FSU, syndicat majoritaire dans le premier degré, qui évoque " plus d'une centaine d'emplois du temps différents affichés dans certains départements ". L'exemple de la Seine-Saint-Denis, département le plus jeune de France métropolitaine – l'un des plus pauvres, aussi –, est probant : le SNUipp-FSU a décompté vingt-quatre villes ayant un horaire fixe chaque jour, six alternant deux après-midi courts, deux après-midi longs (un peu sur le modèle de Paris), trois autres qui ont choisi un retour à l'école le samedi matin, et dix de libérer un après-midi complet. " Une réforme à la carte ", conclut le syndicat.

Lyon a-t-elle ouvert la boîte de Pandore ? L'assouplissement de la réforme a été pensé, d'abord et avant tout, pour les communes isolées, en milieu rural ou en montagne. Celles qui, même avec une aide de l'Etat (au titre du " fonds d'amorçage ") portée à 90 euros par enfant et par an, contre 50 euros ailleurs, ne parviennent pas à mettre en place le changement de rythmes. Peinent à recruter des animateurs, à organiser les ateliers à " haute valeur ajoutée " promis aux parents. De fait, la majeure partie des communes – 2212 – ayant choisi de bénéficier du décret Hamon le font dans l'esprit de celui-ci. Leur population moyenne est d'un peu plus de 3 000 habitants et les deux tiers sont rurales.

Mais pas toutes. Lyon, troisième plus grande ville de France, dirigée par la gauche, 34 700 écoliers pour 475 000 habitants, a surpris son monde en annonçant, mi-mai, être candidate à l'" expérimentation " consentie par le " décret Hamon ". Une quinzaine de villes de plus de 50 000 habitants – et 71 de plus de 20 000 habitants – lui ont emboîté le pas.

Seconde surprise : Lyon a opté pour des activités payantes – de 2 à 18 euros par enfant et par an, en fonction des revenus des parents. Selon l'Association des maires de France, une ville sur cinq songeait, il y a quelques mois, à facturer ce temps d'accueil supplémentaire.

" Difficile de se repérer entre des villes riches qui font payer les activités, et des communes pauvres qui, en faisant appel à des bénévoles, parviennent à déployer une vraie offre d'ateliers, observe Christian Chevalier, du SE-UNSA. Sans compter les communes qui ont affiché leur opposition à la réforme jusqu'à il y a peu et assurent, à la veille de cette rentrée, ne pas être prêtes à accueillir les enfants. " Dans la ligne de mire du syndicaliste, Marseille, où la municipalité UMP dit manquer d'animateurs pour prendre en charge, le vendredi après-midi lorsque la cloche de l'école aura sonné, ses 74 000 écoliers.

Des clivages politiques ? Sur les quatorze villes de plus de 50 000 habitants concernées par le décret Hamon, on dénombre huit municipalités de droite et six de gauche. " Certaines villes utilisent probablement ce levier pour botter en touche et ne pas faire la réforme, ou alors a minima, analyse Frédéric Sève, du SGEN-CFDT. D'autres s'en servent pour réussir à bâtir, en trois ans, une organisation de la semaine solide. "

Et il faut incontestablement du temps pour mettre en musique une réforme que beaucoup, qu'ils soient enseignants, édiles ou parents, perçoivent encore, en cette rentrée, comme " floue ", " imposée " : parmi les 2 951 villes candidates à l'expérimentation, plus d'une centaine (111) faisaient partie des 4 000 villes pionnières – celles revenues à la semaine de quatre jours et demi dès la rentrée 2013. Signe qu'il faut parfois revoir la copie avant de trouver le bon tempo.

Mattea Battaglia (avec Alexandre Léchenet et le service infographie)

    25,8 élèves par classe en maternelle

    12,3 millions d'élèves font leur rentrée scolaire mardi 2 septembre dans les écoles (6,8 millions), collèges (3,3 millions) et lycées (2,16 millions) publics et privés.

    Rythmes scolaires En primaire, le retour à la semaine de 4 jours et demi d'école, appliquée depuis 2013 par 4 000 communes, devient obligatoire pour les 24 000 communes possédant au moins une école publique. 87 % des communes ont adopté la mouture initiale du décret Peillon, les autres ont mis en place des assouplissements permis par le décret Hamon.

    840 000 enseignants sont affectés dans les classes des établissements publics et privés. Dans le public, il y aura en moyenne 25,8 élèves par classe en maternelle, 22,9 élèves à l'école élémentaire, 24,8 élèves au collège, 19,3 élèves au lycée professionnel et 29,8 élèves par classe au lycée général et technologique.

Rédigé par Philippe NOVIANT

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